Contrecoup
- Comme je m'y attendais, le contrecoup de l'attitude de ma mère fait son effet. Une sourde impression de malaise m'accompagne en permanence, dès que j'ai l'esprit libre.
- Me reviennent des mots, des bribes de phrases et surtout cette impression de "trahison". Je crois que c'est vraiment une chose à laquelle je ne m'attendais pas de sa part.
- Le premier soir, je me suis senti paradoxalement fort de ce détachement brutal. Rien de changé pour ça, une coupure s'est définitivement faite. Mais ce qui m'accable maintenant, bien différent, est ce coté "perte de confiance".
- J'ai toujours su que la confiance était le fondement de tout ce que je pouvais construire avec les autres. C'est pour cette raison que je ne donne que parcimolieusement, au départ, des éléments de ce qui me concerne. Mais si je sens que je peux faire confiance, alors je perds rapidement cette méfiance initiale et je suis prêt à donner beaucoup de moi. Je pourrais presque dire "tout". C'est sans doute même trop et je crains parfois d'indisposer mes interlocuteurs.
- Mon histoire est jalonnée de confiances "trahies". En fait, je ne pense pas que qui que ce soit mais "trahi" volontairement. C'est plutôt moi qui me suis trompé et ai donné plus que je devais. Trop de sincérité envers qui ne le demande pas. C'est quelque chose dont je dois apprendre à me méfier.
- C'est ce qui à bloqué toute initiative de ma part pour aller vers les autres pendant des années. Je me demande encore comment j'ai pu encaisser le fort blocage, que j'ai interprêté comme un manque de confiance, manifesté par Laura. Je crois que sans la découverte d'internet, je serais resté encore longtemps bloqué sur cet échec.
- Ouh la! trois fois le mot "blocage" dans le paragraphe! Je ne corrige pas parce que ça me semble assez signifiant...
- Ceux qui me suivent depuis longtemps auront remarqué combien il m'arrive fréquemment de faire une avancée un peu audacieuse, suivie très vite d'une "marche arrière". Quelques unes de mes correspondantes me l'ont fait remarquer. C'est à chaque fois parce que j'ai peur d'être allé trop loin dans la sincérité, de trop me dévoiler... et que je redoute de me faire rejeter pour ça. Comme si mes confidences pouvaient être insupportables, ou ne devaient pas être dites.
- Je crains tout autant une réaction du type «mais pour qui il se prend?» que celle de devenir trop transparent, donc vulnérable.
- Et pourtant je ne cesse de tendre vers plus de sincérité, toujours plus.
- Jusqu'à maintenant, avec ce journal, je ne crois pas l'avoir regretté un jour. Mais je redoute toujours le moment où quelque chose me reviendra dans la figure...
- C'est presque comme si c'était évident, que ça devait se produire.
- Mais cette sincérité, cette complicité, cette confiance que je recherche, c'est comme une drogue. C'est le bien-être total. Et lorsque je parviens à passer ce cap de la complicité, notamment avec quelques lectrices privilégiées, c'est un immense bonheur. Je suis souvent très touché et ému par quelques mots, quelques confidences faites. Parce que je ressens une confiance partagée.
- Et rien ne me fait plus plaisir
* * * - Dans le même ordre d'idée, j'ai longuement parlé avec mon fils aîné ce matin. Au sujet des relations amoureuses (il est en plein dedans) et de la complicité qui peut naître.
- Mon fils est passé récemment d'une très proche amitié avec une fille, qui durait depuis des mois, à une attirance mutuelle, puis une relation amoureuse. Il me semblait évident que ça finirait de cette façon, mais j'étais curieux de voir si mes pronostics allaient être démentis (bien sûr, je ne lui avais rien dit de tout ça).
- Je savais qu'ils avaient une très grande confiance réciproque et qu'ils de disaient "tout". Vu le nombre d'heures qu'ils passent au téléphone, les échanges de mails, les après-midi chez l'un ou l'autre, à l'évidence ils avaient beaucoup à se dire...
- Bref, ils se sont rendus compte un jour qu'ils ne pouvaient pas se passer l'un de l'autre. C'est donc tout le contraire d'un coup de foudre puisqu'ils ont doucement glissé de l'amitié à l'amour.
- Notre conversation s'est orientée, j'allais dire "naturellement", vers la confiance réciproque. Mon fils est très conscient de l'importance de la plus grande sincérité pour établir une relation de couple quelque peu solide. Il a une très grande lucidité sur les relations amoureuses, de la simple attirance au "grand" amour. M'est avis qu'il est du genre à bien savoir ce qu'il veut...
- Bref, là où je voulais en venir, c'est que lorsque nous avons abordé ce sujet de la confiance mutuelle et de la sincérité, une nouvelle fois je me suis senti envahi par l'émotion. Je trouve tellement... merveilleux (allez, n'ayons pas peur des mots!) une relation qui se contruit sur ce principe que j'en suis toujours ému.
- Ce n'est évidemment pas que je magnifie toute relation en sacralisant la notion d'engagement, vous le savez bien en me lisant, mais je trouve qu'au delà de toute attirance, séduction, choses bien tentantes, il y a cette idée de confiance.
- Pas forcément de durée, parce que ça dépend de beaucoup de facteurs et des désirs de chacun, mais au moins de véritable respect de l'autre.
- Et quel plus beau respect que de faire confiance et donner sa confiance?
- Bon j'aimerai bien approfondir un peu ma vision de ce genre de relations, ainsi que ce qui fait un couple, quelque soit la durée de vie de ce couple, de la libraimance chère à l'Incrédule, au couple plus classique que je représente avec Charlotte, en passant par les relations amoureuses qui se transforment en amitié ou inversement. Mais c'est un sujet qui me semble bien vaste... Ophélie l'a abordé récemment, mais je n'ai pas eu le courage de renchérir...
* * * - J'aime bien ce suivi de pensées qui s'opère d'un journal à l'autre. Ce petit bouillonnement d'idées en synergie. Récemment j'ai vu qu'une de mes chroniques avait inspiré L'insomniaque. J'aimerai plus souvent "participer", mais le temps est compté. Les heures d'écriture passent si vite...
Dopage
- Hum... ça ne va pas trop fort en ce moment. Je ne sais pas bien ce qui se passe, mais je me sens sombrer dans un état peu vaillant.
- Le mot de déprime me vient en tête...
- J'ai l'impression de courir après quelque chose qui demande beaucoup d'énergie pour l'atteindre. Pour ce faire, je me dope, mais sans cet appoint extérieur je crois que je renoncerais.
- Ce dopant, cette drogue, ce sont les relations multiples que j'ai nouées. Comme si je voulais rattraper toutes ces années passées "seul". Je prends un immense plaisir à échanger et c'est un coup de pouce fantastique. Mais comme tous les dopants, cet énergie supplémentaire fait que je ne me rends pas compte à quel point je m'épuise.
- Mais quand je constate à quel point je suis sensible à tout avis extérieur, dans un sens favorable ou contraire, je me dis que je sollicite beaucoup mon mental en ce moment. Pas étonnant que je fatigue de temps en temps...
Plusieurs personnes m'ont dit que j'avais fait de grandes avancées dans ma démarche. Ce qui est amusant c'est que j'ai l'impression que ce sont les autres qui s'en rendent compte plus vite que moi.
- Je finis par réaliser, quand même, que depuis quelques mois je "progresse" rapidement, et que ça ne se fait pas tout seul. Assurément je "travaille" beaucoup sur moi, en faisant presque un objectif prioritaire. En dehors de la famille, je passe énormément de temps à écrire et analyser. Au point que mon travail, pourtant issu d'une passion, en devient une gêne. J'ai laissé tomber beaucoup de mes occupations antérieures: je ne bricole plus, je lis peu de livres, je ne regarde plus la télé (ça, ce n'est pas un mal...). Tout ce qui me soustrait de cette réflexion continuelle, sur "moi" et celui que j'ai envie d'être, est perçu comme de moindre importance.
- J'imagine ce qu'on pourrait penser d'un type qui dit: «je pense d'abord à moi, il n'y a que ça qui m'intéresse». Franchement pas fréquentable le gars! D'abord je simplifie, parce que c'est l'humain en général qui me passionne et plus particulièrement le coté relationnel, à quelque échelle que ce soit. Ensuite ce n'est pas "moi" comme sujet d'étude, mais pourquoi je suis resté aussi longtemps "hors de moi", et comment aller vers celui que je me sens être.
- Je crois que j'ai passé des années à ne pas penser à moi. Je ne pensais qu'à l'image qu'on pouvait avoir de moi, à commencer par celle que je voyais de moi. Pour "exister", pour me sortir de cette insignifiance, de cette médiocrité dans laquelle on m'avait assigné, je devais montrer que j'avais quand même quelques qualités. Simple question de survie. Sans ça, c'est simple, j'aurais sombré.
- On reconnaissait mon coté bricoleur habile? alors je me défonçais dans le bricolage. Toujours un outil à la main, en train de fabriquer de petits meubles, de refaire une pièce, de réparer la voiture, installer placards ou étagères, améliorer l'installation élécrique ou l'isolation de la maison.
- On appréciait que j'entretienne le jardin? Alors je passais mes journés libres (quand je ne bricolais pas) à tondre, débroussailler, tailler, entretenir, semer du gazon, planter des fleurs ou des arbres, contruire des murets. Je finissais souvent à la nuit (et l'été la nuit vient fort tard...), harassé.
- L'hiver je coupais du bois, arrangeais les chemins, entretenais les rigoles, débroussaillais encore.
- Charlotte à fini par rouspéter de voir tant de week-ends consacrés à ces travaux sans fin. J'ai du réduire mon ardeur.
- On trouvait que je dessinais bien? Je passais des heures à fignoler des détails que personne ne verrait jamais. Masochiste, je montrais systématiquement ce qui ne me convenait pas, anticipant une éventuelle remarque. Comme s'il me semblait évident que mon travail ne pouvait qu'être imparfait, forcément un peu "raté".
- On aimait mes photos? Alors je passais des heures à arpenter la campagne, traquant des ambiances et des lumières, des contre-jours ou des transparences. Les voyages, je les regardais un oeil dans viseur. Je m'étais même lancé dans la voie des expositions...
- Il fallait que j'existe aux yeux des autres, qu'on apprécie mon travail, qu'on me reconnaisse. Je ne pouvais le faire qu'en perfectionnant mes atouts, répondant ainsi à la demande.
- Mais moi, je m'oubliais.
- Tout était fait pour les autres. Pour être accépté et reconnu par les autres. Moi le nul, l'insignifiant, je montrais (et me montrais) que je pouvais avoir une certaine "valeur". L'exigence, le perfectionisme étaient mes guide de travail.
- Piège infernal que de n'exister que pour le regard des autres. Quête sans fin dont on n'est jamais rassasié.
- Rien ne remplacera l'estime manquante d'un père...
- Quinze ans à ce régime là, avant de me rendre compte que tout n'allait pas bien. Que j'avais toujours aussi peur du jugement de l'autre, que je me sentais toujours "nul" et pris en défaut.
- Et depuis dix ans j'apprends à m'écouter un peu. Tout doucement au départ, parce que je ne savais pas m'entendre. Et puis au fil des années une voix à percé, un chemin de traverse m'est apparu que j'apprends à suivre. Mon chemin. Mon libre chemin, celui qui me convient, que je me choisis.
- Après ces dix ans, je marche de plus en plus facilement en son centre, délaissant celui que j'avais cru bon de prendre, pour faire plaisir à... à qui? Pour correspondre à ce que je croyais qu'on attendait de moi.
- Mais personne n'attendait rien de moi. Sauf Charlotte qui attendait que je devienne moi. Et moi, je ne savais pas ce que j'attendais. Les autres? Quelle importance! On ne vit pas pour les autres, mais avec les autres. Vouloir plaire aux autres est un chemin de folie.
- On plaît pour ce que l'on est, pas pour ce qu'on essaie d'être. Sauf si on essaie d'être soi...
- Depuis ces dix ans je suis parti à la découverte de moi, des autres, et de ce qui nous relie. Je ne connais pas plus belle aventure.
- Voila pourquoi cette découverte me passionne tant. Voila pourquoi j'y consacre autant d'énergie.
- Euh... ça ressemblerait pas à une justification ça? Me préoccuperais-je de l'image qu'on peut avoir de moi?
- Oh noooooon, je vous assure!
Petit garçon bien sage
- Si je passe autant de temps à m'introspecter, ce n'est pas seulement parce j'en ai "besoin". C'est aussi grâce à la déconcertante possibilité qui m'est donnée pour le faire. Sans patron, sans horaires, rien ne m'empêche de passer autant de temps que je souhaite à cette activité.
Rien, si ce n'est un coté "raisonnable" qui me dit «il faut quand même travailler». Oui, je sais... Et lorsque j'ai beaucoup de travail la question ne se pose pas. Mais quand, comme en ce moment, il fait trop froid pour exercer un grande part de mon activité, je dispose de beaucoup de temps "libre". Faussement libre, parce qu'un bon gestionnaire en profiterait pour mettre à jour divers retards, ou anticiperait sur des travaux futurs. Mais moi je ne le fais pas. Je ne le fais plus.
Marre de courir pour être performant, apprécié, irréprochable.
Je me vautre dans la facilité, l'instant présent. Je pense à moi et seulement à moi. Je pense à ce qui me fait du bien. Sans égoïsme (toujours besoin de me justifier, hein...) puisque je partage ces moments avec ma famille ou dans des discussions.
Je pense que c'est un état transitoire. Tout comme j'avais vécu un épisode semblable lorsque Laura occupait mes pensées il y a quelques années. C'est un sentiment d'urgence afin de régler au plus tôt ce qui m'empêche de vivre. Parce que c'est bien du vivant toutes ces réflexions, c'est même assez intense, mais ce n'est pas une liberté. Je suis soumis à mes pensées et je veux quitter ce domaine de soumission.
J'aimerai pouvoir vivre libre, serein.
* * *
Il y a quelques jours, profitant du changement d'année, j'ai écrit à quelques personnes avec qui je n'avais plus eu de contact depuis longtemps. J'ai eu le grand plaisir de les voir répondre à la sollicitation avec enthousiasme, immédiatement. Il y a quelque chose de bienfaisant à sentir que ces relations, même occasionnellement espacées, sont toujours bien présentes.
Sans doute était-ce aussi une façon pour moi de me rassurer sur la trace que j'avais laissée chez ces personnes. Toujours ma crainte d'avoir déçu en laissant cette distance s'installer, ou même de l'avoir causée, pour je ne sais quelle raison.
Ces doutes permanents sur ma "valeur" auprès des autres sont épuisants...
Mais je crois qu'il faut plutôt imputer ces silences au constat que font plusieurs personnes: le temps nous manque. Il ne nous est pas toujours possible de répondre comme, et quand nous le souhaiterions. Nous en sommes tous plus ou moins au même point. Alors on va vers ce qui est le plus brûlant sur le moment. Parfois c'est écrire dans le journal, parfois répondre au mails, ou parfois réagir immédiatement à la lecture d'un diariste. Et ceci sans respecter l'ordre d'arrivée des messages. Il m'arrive de répondre immédiatement à un mail, même fort longuement, alors que je n'ai «pas le temps » de répondre à un court message qui date de deux jours...
Je compte toujours sur l'indulgence de mes correspondants qui, heureusement, ne semblent pas s'en formaliser. Euh... ceci étant une façon de répondre collectivement à ceux et celles qui m'ont écrit récemment. Je crois qu'entre diaristes on se comprend et qu'on devine bien que l'autre n'a pas forcément l'esprit à répondre. Et d'ailleurs, tout message n'implique pas forcément une réponse. C'est mon coté petit garçon bien élevé qui se sent obligé de répondre pour montrer qu'il a bien lu le message.
Y m'énerve ce petit garçon bien sage!
J'ai trop longtemps été celui là. C'est bien pour ça que je me suis mis en tête de plaire à tout le monde. Pour sentir le regard fier de ma maman quand on lui faisait des compliments sur ce garçon bien sage et bien poli.
Pouah! Fini ça, je ne veux plus être perçu comme ça. Je veux qu'on m'apprécie pour ce que je suis, pas pour l'application que j'ai à suivre l'image conforme qu'on attend de moi (que j'imagine qu'on attend de moi...).
J'ai sagement suivi les études qu'on disait bonnes pour moi, me suis efforcé de suivre les règles de bonne conduite morale, je suis allé fidèlement à la messe comme on me l'avait appris... Mais maintenant ça m'emmerde (euh, pour la messe, ça fait bien longtemps que j'ai abandonné...).
Je me fais rire! On dirait un ado de quinze ans en révolte! Ben oui, mieux vaut tard que jamais, non?
Bon, vous constatez que c'est un peu le bordel dans mes entrées, je parle de tout mélangé. Mais il y a quand même bien un fil directeur: c'est le renoncement à tout ce qu'on m'a appris à être et qui ne me convient plus. Je ne veux faire mien que ce qui est en accord avec mes convictions. Par exemple je resterai poli, courtois et respectueux parce que je crois que c'est le meilleure façon d'avoir des rapports sans trop de heurts.
Mais faut quand même pas qu'on vienne m'emmerder! J'ai appris aussi, récemment, à me défendre avec les moyens qu'il faut quand on me fait chier. Sur le forum où je me suis fait chahuter d'abord (vous voyez que ça valait le coup que j'apprenne à encaisser les coups...), puis avec ma mère, ces derniers jours.
Oui, j'ai retourné son agressivité vers elle. Je l'ai fermement refusée et elle a dû se débrouiller avec. Je n'étais pas là pour encaisser ses difficultés. Dialoguer, oui, mais pas subir ce dont je ne me sentais pas responsable.
C'est dans un bouquin de Jacques Salomé que j'ai lu ça, dans le train qui m'emmenait à Paris le mois dernier. Quelque chose du genre «oui, je comprends que tu puisses ressentir ça, mais ce n'est pas ma façon de voir, alors je ne veux pas accepter ton agressivité à mon égard, je te la laisse». Un peu comme si on glissait un miroir sans tain entre les deux qui ne laisserait passer que le dialogue mais renverrait l'image de l'agressivité. Je le lisais en pensant essentiellement aux rapports humains en général, et notamment ceux que j'avais eu sur le forum, je ne pensais pas que ça me servirait aussi vite pour quelqu'un d'aussi important que ma mère. Le hasard est souvent bienveillant...
Ce n'est certes pas la première fois que j'avais connaissance de ce concept. Je me souviens que Charlotte m'en avait parlé au sujet de l'agressivité de ses parents, Inès aussi vis à vis des siens. Mais à l'époque je n'avais pas "percuté".
[Parenthèse: vous avez remarqué comme le rapport aux parents dure longtemps? Et comme la quarantaine est un moment clé pour régler tout un tas de non-dits? Je dis ça en pensant aux plus jeunes qui seraient éventuellement en train de me lire et ne se doutent probablement pas de ce lien qui est bien plus durable qu'on ne le croit. Certains liens ne se coupent pas en quittant la maison parentale, bien loin de là. Et quand je lis certains diaristes de 25 ans ou plus parler autant de leurs parents, je me dis que... ben il se pourrait bien qu'ils aient une sérieuse crise dans quelques années. Le pire, c'est qu'on ne s'en rend pas du tout compte à ce moment là. A 25 ans, j'aurais pu jurer que je m'entendais très bien avec mes parents, surtout avec ma mère, et que je me sentais tout à fait autonome. Mais bon, chacun doit faire son chemin...]
Bien. Vous aurez remarqué qu'en ce moment je suis à fond dans l'auto-analyse. Et pas sur une page à part cette fois. Marine avait raison, les deux sont trop proches pour se scinder vraiment.
Je me demande toujours si ce genre d'entrées-fleuves sont lues en détail ou seulement parcourues. Parce que c'est quand même vachement personnel, c'est une histoire singulière, la mienne, et je ne sais pas ce que d'autres peuvent y trouver pour éclaircir leur propre vécu. Mais je me dis que ces rapports aux autres, et notamment aux parents, doivent probablement éveiller quelque chose chez pas mal de gens...
Putain, ça fait du bien d'écrire!
Euh... je remarque que j'utilise de plus en plus fréquemment des mots (légèrement) grossiers. J'aurais pas osé au départ. Peut-être le petit garçon qui se rebiffe?
"Petit garçon" est aussi nouveau dans mon écriture. C'est en lisant Lou qui parle souvent de la petite fille qui est en elle que j'ai réagi l'autre jour, constatant que je ne me sentais jamais ce petit garçon que j'avais été. Mais l'idée à dû me plaire puisque je m'y suis mis spontanément. Sans doute le moment était-il venu avec cette histoire avec ma mère. Conjonction de hasards, une fois de plus...
Hmmm, ça ma redonné la pêche d'écrire, finalement. Parce que je sais (oui oui, maintenant j'arrive à avoir quelques "certitudes") que je serais lu en sympathie. J'ai l'impression qu'il existe un petit noyau de diaristes qui s'entre-lisent (on fait souvent allusion aux mêmes), se répondent plus ou moins dans leurs entrées, commentent et se lancent dans leur propre impression d'un sujet développé par un autre. Tout le contraire d'une écriture narcissique en fait. Nous sommes bien loin du journal papier et de son image égoïste et fermé sur soi. Ce n'est pas un journal collectif, mais des journaux en synergie. Chacun se construit et avance "avec" les autres. Je n'irais pas jusqu'à parler de solidarité, mais il y a quand même quelque chose cet ordre.
Waow, c'est quand même vachement bien, vous ne trouvez pas?
* * * Constat, une fois de plus, en me relisant. Mes entrées se font sur le mode analytique et glissent facilement d'un sujet à un autre. Je crois que c'est vraiment ma façon de fonctionner et il est inutile que j'essaie de rester sur un seul sujet comme le font plusieurs des diaristes que j'apprécie. Pas grave, c'est mon style et je n'ai pas à me comparer et faire des complexes par rapport aux autres (oui, je sais que vous me le dites souvent, mais cette fois c'est moi qui me le dis. C'est un progrès, hein?)
Mauvais prétexte
- Je n'avais pas prévu d'écrire ce soir (eh, faut bien laisser un peu se reposer les neurones...). Flanant parmi les diaristes, sur le forum de la CEV, puis allant faire un tour sur le sondage en cours...
- Je suis finalement allé voir les statistiques de ce site. Surprise! Le record de pages vues a été battu le 2 janvier. Pourquoi? Je n'en sais rien. Mais moi qui craignais que mes entrées soient trop longues et décourageantes à lire, il semble que ce soit le contraire.
- Ce que je ne comprends pas très bien, c'est que les visites sont parfois assez largement supérieures au nombre de visiteurs... Vous venez plusieurs fois dans la même journée? Pourtant je ne fais jamais deux mise à jour dans la même journée (excepté autour du 11 septembre 2001...). Mystère.
- Bon, mais on s'en fout un peu de tout ça...
- Bah oui, mais ça compte aussi. Toujours besoin de savoir si je suis lu, et par combien de personne, globalement.
* * * - Bon, à part ça j'aimerai bien poursuivre des réflexions entamées par d'autres diaristes, mais j'avoue que je manque un peu de courage. Et puis j'ai plein de mails en attente... Oh la la, quelle activité débordante!
- Hum... tout bien réfléchi, je n'avais rien à écrire ce soir. Et vous savez pourquoi je m'y suis mis? Et bien une raison tout à fait stupide!
- Je devrais tout effacer et vous n'en sauriez rien...
- La raison stupide, c'est que j'ai vu que mes dernières entrées "faisaient de l'audience"... Beark! En voilà une motivation d'écriture lamentable! Je me suis dit «si je n'écris rien, ils vont être déçus». N'importe quoi, hein?
- Grrr, j'ai vraiment envie d'effacer tout ça.
- Bon, allez, j'envoie parce que je suis sincère. C'est le pari que j'ai fait depuis le début de ce journal. Et puis parce que je n'efface jamais ce que j'ai écrit.
- Et aussi parce qu'il était question du mensonge dans les journaux, sur le forum. Ce soir je ne mens même pas en cachant ce que vous auriez pu ne jamais savoir.
- Mouais... on se demande si ce n'est pas mieux de mentir dans ce genre de cas...
A suivre
- Quelques jours un peu déconnectés de ce monde virtuel. Un peu, parce que je ne passe pas un jour sans aller y faire mon tour: écrire ou recevoir des messages, lire les forums, lire les diaristes... au minimum une heure ou deux.
- Mais je me suis pris aussi du temps pour faire autre chose. Dehors pour profiter de ce soleil qui brille depuis le début du mois, même si le thermomètre reste en dessous du zéro à l'ombre: couper quelques broussailles, débiter du bois, brûler des herbes sêches... rêvasser le nez au vent. Dedans en bricolant un peu dans la maison. J'en avais perdu le goût depuis pas mal de temps, trop accaparé par cette réflexion sur moi-même que je fais en grande partie avec l'écrit.
- Du coup, des pistes de réflexion me sont apparues et il est temps de les noter pour les inscrire dans ma pensée.
- J'aurais voulu commenter les réflexions de quelques diaristes ces jours-ci, mais je n'en ai pas eu le courage... Il y aurait tant de choses à approfondir avec les uns ou les autres, mais ce temps qui ne ralentit jamais sa course ne me laisse pas le choix: c'est tout de suite ou jamais. Hélas, parfois j'opte pour le jamais, à regret.
- Bon, quelles sont ces réflexions que je me suis faites?
- C'est, comme bien souvent, une suite d'évènements qui, en s'enchaînant me font aboutir un jour à une sorte de lucidité illuminatoire.
- Tout a commencé il y a un an, sur ce forum dont j'ai souvent parlé. Il s'est trouvé que sur un certain nombre de sujet j'ai été totalement incompris. Malgré toutes les précisions que j'ai apportées, rien n'a pu changer l'opinion trés défavorables que certaines personnes se sont faites sur moi. J'ai encaissé le coup très difficilement et surtout, je n'ai absolument pas compris cette erreur d'interprétation.
- Assez perturbant de constater que les mots que l'on dit sont compris dans un autre sens. Comme si on ne parlait pas la même langue.
Pourtant, certaines personnes ont su voir que je n'étais pas comme l'horrible personnage que d'autres décrivaient.
- Depuis, j'ai passé beaucoup de temps a réfléchir à cette situation, à en discuter avec ceux qui en avaient été témoins. J'ai observé avec attention comment se conjuguaient les rapports humains, sur internet ou dans la vie de tous les jours. J'ai tenté de voir pourquoi et comment l'incompréhension s'installait parfois.
- D'étapes en étapes je cernais mieux les situations à problème, les raisons des blocages qui se créaient dans les groupes.
- Des bribes dont je ne parvenais pourtant pas à tirer des règles bien tangibles.
- Puis il y a eu cette incompréhension avec ma mère, qui m'a fortement secoué. Un début de lucidité. Et mon refus d'accepter ce qu'elle voulait reporter sur moi, afin de s'en décharger.
- Et enfin très récemment un évènement marquant qui a servi de déclencheur. Je me suis exprimé sur le "forum maudit", avec une certaine assurance en donnant ma vision de l'avenir de ce forum qui me semble bien compromis sous sa forme actuelle. Mon idée se voulait constructive, pour le bien de tous ses participants. J'étais plutôt satisfait de moi, solide. J'espérais un sursaut des membres, puisque ce forum meurt de trop de liberté (celle de tout laisser dire est fatale).
- La surprise est venue d'une personne en qui j'avais une grande confiance: elle a dit ce qu'elle pensait sans ménagement, et ce n'était pas vraiment dans le même sens que ce que j'avais exprimé. De sentir cette désolidarisation m'a complètement miné, j'ai eu l'impression d'avoir été trahi, lâché, abandonné.
- Il m'a fallu puiser dans la confiance que j'avais en elle pour me persuader que ses mots n'étaient pas dirigés contre moi. Le silence des autres, excepté un message plutôt négatif à achevé de me casser le moral. Ainsi personne ne suivait..
- C'est depuis cette déception que j'ai pris une certaine distance avec le monde virtuel. A mon avis, elle est salutaire. Je croyais beaucoup trop en une utopie de dialogue.
- Mais ça ne s'arrête pas là. Parce que j'ai voulu dire ma surprise à celle qui m'avait "abandonné". Elle m'a répondu qu'elle avait préféré la formule du message public plutôt que le message privé, afin de me faire réagir, et éclaircir mon propos.
- Elle m'a demandé aussi d'excuser cette façon de faire, qui ne laissait pas place au "copinage" mais qui à ses yeux était plus sincère. Tout en acceptant le principe, j'ai pris immédiatement consience que c'était à moi de gérer mon malaise. Si je me sens rejeté, si ça me démolit le moral, je ne peux en faire grief à personne. C'est à moi de gérer mes doutes sur moi-même.
- Pas facile...
- Heureusement que je doute moins de moi et que j'ai osé la démarche de lui dire mon trouble. Ses explications m'ont permis de reprendre de l'assurance.
- La dernière étape de la lucidité s'est faite ce matin, en discutant avec Charlotte. Je donnais à mon fils quelques explications sur le principe de l'homéopathie. Et je spécifiais que le principe est fondé sur quelques règles à priori illogiques. La partie cartésienne de mon esprit à du mal à se satisfaire de cette absence d'explication claires.
- Or une fois de plus Charlotte à cru que j'étais réfractaire à cette forme de médecine.
- De dire «le principe est illogique» était interprété comme «donc je ne crois pas à son efficacité». Effectivement, je ne l'avais pas spécifié... parce que je ne parlais que du principe.
- Au bout d'un moment passé a raccorder nos paroles et nos écoutes, nous nous sommes compris.
- Mais j'ai aussi compris tout d'un coup beaucoup d'incompréhensions de dialogues, et notamment ce qui s'est passé sur le forum maudit.
- Voila comment je fonctionne: je suis quelqu'un qui a beaucoup de doutes et peu de certitudes. Je suis assez curieux et aime bien comprendre comment fonctionnent les choses. Et tout ce qui est affaire d'opinion m'intéresse pareillement.
- Mais si on peut comprendre comment fonctionne une machine, régie par des lois physiques que personne ne conteste, il est plus délicat d'être certain d'une explication controversée. A fortiori d'être certain d'une opinion.
- Je suis donc toujours en position instable, m'informant comme je peux et susceptible de changer si une idée me convainc plus qu'une autre. J'ai donc, au mieux, une opinion provisoire, et bien souvent aucune opinion, ou une double opinion.
- Or, afin d'éclaicrir mes opinions, lorsque je dialogue avec une personne qui défend un coté, je prends souvent le contrepied. Pas du tout par esprit de contradiction, mais parce que je crois qu'on a plus a apprendre de nos contradicteurs que de nos semblables.
- C'est ce qui s'est passé sur le forum maudit lorsque je me suis trouvé face à un certain courant d'idée. Je le partageais en grande partie, mais une autre part de moi s'interrogeait sur les idées opposées. J'ai donc fait part de mes interrogations sur ces idées opposées.
- Et c'est là que tout le processus de rejet s'est enclenché.
- Et c'est un peu la même chose qui s'est passée ce matin avec Charlotte.
- Le problème vient donc d'une inadéquation entre ce que je dis et ce qui est entendu. Et comme je crois que c'est à celui qui s'exprime de chercher à être compris, c'est à moi de trouver là où ça coince.
- Qu'est-ce qui peut faire que Charlotte me trouve parfois trop sûr de moi, cassant, n'écoutant pas l'autre? Qu'est-ce qui a pu faire que sur ce forum maudit on m'ait trouvé arrogant, prétentieux, hypocrite, donneur de leçons,... (liste réduite)? Qu'est-ce qui a pu faire qu'on ne croie pas mes dénégations, mes tentatives d'explication?
- Je crois l'avoir un peu compris ce matin: c'est la formulation qui ne va pas. Je ne pense pas assez à dire «je suis d'acccord avec toi» avant d'aller vers un «cependant...» suivi de l'argument inverse.
- Mais je ne suis pas certains que cette précaution soit suffisante.
- Le problème ne vient-il pas de ce doute permanent qui est en moi? Doute qui fait que je bien souvent je ne PEUX PAS me déterminer. Je vois trop les deux cotés (au moins) d'un même problème. Et en particulier sur les problèmes sociologiques dans le sens le plus large, humains ou politiques, à quelque échelle que ce soit. Alors que la généralisation et les idées toutes faites sont bien fréquemment une règle, ce doute est souvent mal compris.
- Et mon problème est le suivant: comment être sûr de moi si je ne suis pas sûr de mes opinions?
- Ce qu'il faut que j'apprenne à faire, c'est à donner systématiquement les deux cotés de ce que je pense. Sinon il y a un gros risque d'être perçu comme étant "contre" celui qui s'exprime.
- Viendra quand même le moment où je me retrouverais en train de défendre l'opinion adverse... et je crains fort que le bocage réapparaisse à ce moment là...
- L'incertitude est inconfortable, mais en plus elle dérange.
- Heureusement que dans le domaine du ressenti et de l'émotionnel il n'y a pas d'opinion qui compte.
- Peut-être que c'est pour cette raison qu'il y a des gens qui n'aiment pas l'étalage de l'intime? Ils ne peuvent pas donner leur opinion, ils n'ont pas prise. Ils ne peuvent pas avoir de certitudes.
- La capacité à se remettre en question ne nécessite-t-elle pas au préalable le doute sur soi?
* * *
- Je ne sais pas si j'ai bien avancé là, mais je suis sûr que la lecture n'aura pas été simple... Je ne sais même plus où je voulais en venir.
- Lucidité? Tu parles!!!
- Ce sont des ébauches de pensée qui auront besoin d'être reprises pour devenir plus abouties. C'est ça aussi un journal intime en ligne. Beaucoup de tâtonnements. A suivre...
Offrir l'intimité Je me souviens du temps ou j'allais sur un Chat et de l'agacement que je ressentais en recevant un grossier "asv?" comme préabule à une hypothétique discussion.
- Pour ma part, ces éléments ne me venaient à l'esprit au sujet de mon interlocut...rice (ben oui, toujours) que fort tard dans la discussion, alors qu'un très bon contact s'était établi et qu'une certaine proximité d'idée nous était apparue. Bon, je dois bien avouer que le "s" de la formule ("age, sexe, ville", pour ceux qui l'ignoreraient) était quand même un élément prédominant... mais il était inutile de le demander puisque l'accord grammatical le précisait. L'âge venait au bout d'un moment, mais se devinait plus ou moins. La ville n'avait une importance que très relative, à moins d'envisager une rencontre ce qui était plutôt de nature à m'effrayer à l'époque.
- Mais il y a une autre élément qui ne venait parfois qu'après des jours de discussion: le prénom. Comme si c'était donner l'accès à une part intime de soi, privée, alors même que les discussions étaient intimistes. Mais donner son prénom à quelque chose qui tient parfois du privilège. Comme quelque chose qu'on ne offrirait qu'à un petit nombre de proches.
- Ce qui est amusant, c'est que plus le don du prénom tarde, plus sa révélation est quelque chose de... valeur, impressionnant. Il y a des personnes avec qui je dialogue depuis fort longtemps et cependant, nous ne connaissons pas notre prénom. Encore plus rares sont celles avec qui nous avons échangé nos patronymes. Un peu comme si on craignait je ne sais quelle menace venant du monde virtuel.
- Pourtant, objectivement, je ne crains rien des personnes avec qui je correspond. Peut-être aussi est-ce simplement parce que connaître un pseudonyme est suffisant? Mais je crois qu'il y quelque chose de l'ordre de la protection de sa vie privée. On a beau ne parler que d'éléments très personnels, on se maintient une sorte de barrière infranchissable entre réel et virtuel.
- Hier, une de mes plus anciennes correspondantes, et après plusieurs échanges de mails de préparation (tout un cérémonial de demande et d'accords!), m'a révélé son prénom, et même son nom. J'ai fait de même. Et bien, voyez-vous, j'ai pris ça comme une marque de grande confiance, et ce fut véritablement un cadeau.
- Pourtant, dans la vie de tous les jours les prénoms sont partout. Je connais même les prénoms de mes clients, d'après les chèques, ainsi que leurs adresses. Mais dans le domaine particulier d'accès à l'intime direct, c'est l'inverse: on dévoile ses pensées profondes, mais on garde secrète son identité.
- Comme si on avait toujours besoin de maintenir une partie de soi inaccessible sans confiance. Ce sera l'intime pour le coté public des gens, et ce sera la part publique lorsqu'on est dans l'intime.
- Depuis que je sais le prénom de cette correspondante, depuis que nous nous sommes décidés à nous donner accès à une part privée de nous (pourtant minime), j'ai l'impression que quelque chose a changé. C'est comme si elle m'avait invité chez elle. J'ai l'impression de découvrir une nouvelle personne. Par ce tout petit bout de nous que nous nous sommes mutuellement offert, nous nous sommes davantage rapprochés.
- Et j'en suis très heureux.
Je joue le je Quand j'étais petit, on m'avait appris à l'école primaire qu'une rédaction ne devait jamais commencer par "Je". Ça faisait trop prétentieux, comme si on se plaçait avant tout le reste.
- Pourtant, ça m'avait semblé être la plus naturelle façon de m'exprimer. Dire ce que je pense.
- Depuis, j'ai appris que des auteurs préféraient parler d'eux à la troisième personne, ou même avec un "nous" donnant l'apparence illusoire de faire partie d'un groupe, plutôt que de dire cet indécent "je".
- Pourquoi ce qui est "je" est-il aussi mal perçu?
- C'est en discutant avec ma mère (qui est passée me voir afin de régler notre différent) que je me suis rendu compte comme tout ce qui est expression de notre personnalité est mal accepté.
- Elle qui est une personne sensible, émotive, à l'écoute des autres, ne parvient pas à bien comprendre la recherche que je fais sur moi. J'ai beau lui expliquer qu'un travail analytique nous (me!) permet de nous (me!) connaître, de savoir quelles sont les situations sources de malaise, d'anxiété, de stress. J'ai beau lui dire que je me sens infiniment mieux depuis que j'ai découvert ce qui, dans le passé, avait fait ce que je suis devenu. J'ai beau lui prouver qu'en me connaissant je parviens à éviter de reproduire avec mes enfants des attitudes destructurantes, à éviter de reporter sur les autres mes propres angoisses... elle montre une certaine réticence.
- Et en fond, je sens bien cette idée, qui était apparue lorsque je lui avait parlé la première fois de ma psychothérapie: il ne faut pas trop s'écouter. Il ne faut pas chercher à tout comprendre.
- Et pourtant, combien elle a souffert de n'avoir pas fait ce travail sur elle-même! Elle le sent bien, elle le devine, le subodore... mais c'est "pas bien" de trop s'écouter.
- Dans un autre domaine, on sait comme le genre littéraire de l'autobiographie est décrié, voire méprisé. Comme si la fiction était préférable au vécu. Sauf si le vécu est carrément romanesque, mais alors on est plus dans le registe des faits que de l'intime.
- L'intime. Encore un mot qui déclenche des réactions souvent hostiles. L'intime est fait pour rester caché! On le voit bien avec la réaction étonnée que peuvent susciter nos journaux. Déjà un journal papier, c'est un peu limite: un truc pour adolescentes sentimentales qui ne devrait pas durer au delà de quelques années. C'est quelque chose qui est perçu comme une faiblesse (donc féminin - relents machistes), puéril, et toléré à ces seuls titres. Mais en tant qu'adulte, avouer qu'on tient un journal intime paraîtrait déplacé. Encore davantage si on est un homme.
- Que dire alors de ces dingues que nous sommes qui, non contents de tenir un journal, ont en plus le mauvais goût de l'exposer au regard des autres. Exhibitionnisme, nombrilisme, voyeurisme... les mots sont immédiatement jetés. C'est indécent! Impudique.
- Impudique, ce mot revient encore lorsque récemment, sur le forum d'un magazine certains se sont laissés aller à la description de quelques impressions vaguement émotionnelles sur des promenades en forêt ou le plaisir à jouer avec ses enfants. «Ce n'est pas la place pour ce genre de confidences», «ça n'intéresse personne», «on s'en fout de ta vie...»
- Et paf, un coup sur le bec de l'audacieux impudent!
- En général, ça suffit à calmer les ardeurs de celui qui s'était laissé aller à un brin de sentimentalité. Oui, parce que les sentimentaux ont le gros défaut d'être sensibles, voire hypersensibles. Et ça, il y a des gens qui n'aiment pas du tout. Normal: les sentimentaux sont des gens qui ne savent pas maitriser leurs émotions. Ça déborde, ça derange, c'est faible.
- J'avais depuis bien longtemps compris ces règles. Et donc, je me taisais puisque ce que j'avais à dire était bien souvent dans le registre du ressenti et de l'émotionnel.
- Or... depuis quelques années j'apprends à exprimer de plus en plus ce que je ressens. J'apprends à dire "je".
- Et depuis que je sais un peux mieux m'écouter, sans essayer de me fondre dans un moule qui ne me convient pas, je remarque que le "je" est un sésame vers la liberté.
- Dans toutes les relations humaines le "je", et l'écoute des autres "je", me paraît être la solution à bien des conflits.
- Au contraire le "tu" est un piège qui enferme et ne devrait être utilisé que dans une idée d'écoute.
- Le "je" est l'expression d'un désir pour soi, le "tu" ou le "il" sont les désirs que l'on formule pour les autres. «Je voudrais faire ça», «tu devrais faire ça».
- Il est bien plus facile de refuser l'expression de ces "je", qu'on ne comprend pas toujours, qu'on accepte pas, qui nous dérangent. Or si on écoute ces "je", en exprimant nous-mêmes nos "je", le dialogue est bien différent qu'avec des "tu" accusateurs, qui rejettent.
- Jacques Salomé appelle ça "la relation klaxon" (tu tu tu).
- Depuis que je dis le "je" affirmatif, non seulement j'ai appris à m'écouter, à me laisser aller à suivre mes désirs, mais en plus j'ai renforcé ma personnalité face aux autres.
- Depuis que j'exprime ce que je suis, que je dis mes ressentis, mes émotions, que je revendique même cette sensibilité, je me sens infiniment mieux. Mes seules souffrances ou frustrations apparaissent lorsque je ne peux pas exprimer ce "je", ou qu'on me refuse cette expression.
- Je crois que c'est pour cette raison que je me suis autant investi dans ce journal, qui est un fantastique lieu d'expression libre.
- Plus je dis "je" plus je vis.
- Egoïsme en vue? Pas du tout. Dire "je" n'est pas ne penser qu'a soin avant les autres. Dire "je" c'est penser aussi à soi, et pas après les autres.
- Si je m'exprime, je dis mes désirs. Mais j'attends aussi de l'autre qu'il dise les siens. Et c'est parfois là qu'un rééquilibrage se produit, lorsque l'autre à l'habitude d'exprimer ses attentes sans contradiction. Il faut apprendre à partager le "je".
- (je fais exprès de mettre des je partout...)
- J'espère que vous excuserez mon style assez brouillon. Je préfère souvent écrire sous cette forme plutôt que d'élaborer un texte. J'écris un peu dans l'urgence, avant que la lucidité ne s'évapore. Trop souvent, lorsque je ne peux écrire immédiatement, je perds une partie du fil de mes idées. Ou même je les ai "oubliées", rangées dans un coin d'où elles ne ressortiront que plus tard
* * * - Autre sujet, récurrent: la séduction. L'incrédule a écrit dans ses commérages du jour quelque chose qui m'a beaucoup intéressé. Elle est en train d'aborder une relation sous le signe de la liberté mutuelle de chacun. Assez éloigné de l'image traditionnelle du couple, coincé dans une relation unique plus ou moins fusionnelle.
- Bon, vous qui me lisez savez que je me pose pas mal de questions à ce sujet. Le problème étant que je me suis "engagé" avec Charlotte il y a vingt ans et que je ne peux pas modifier le contrat initial tacitement conclu. Je ne sais pas comment cela évoluera pour moi, mais je crains de devoir me satisfaire d'une évolution de mes idées, sans pouvoir les mettre en pratique...
- D'ailleurs, pour le moment, j'ai cessé tout jeu de séduction (bah... ou alors j'en reste à un niveau tout à fait discret). Je n'ai pas renoncé à ce qui peut m'attirer, mais il semble que pour le moment les échanges approfondis avec quelques correspondantes comblent ma soif de diversité.
- L'incrédule, avec sa liberté de célibataire, a toute latitude pour établir des relations sous la forme qui lui convient et celle qui convient à son partenaire. Ce qu'elle dit à propos d'un dialogue très sincère sur les attentes respectives de chacun m'a semblé être l'optimum de ce qu'on pouvait faire pour établir les bases d'une relation libre et saine. Chacun donnant ses attentes et étant à l'écoute de l'autre. Sans tabous, sans non-dits.
- C'est ce que j'aimerais faire, si le cas se présentait à moi maintenant.
* * * - A propos de sincérité, je ne sais pas si ça vous fait ça, mais lorsque les circonstances font qu'un élan de sincérité partagée se produit avec quelqu'un, je ressens un sentiment ineffable de pur bien être. Quelque chose qui ressemble fort au bonheur.
- C'est rare, fugace, mais intensément bienfaisant. Une impression de parfaite osmose.
- Je crois que c'est la sensation d'être absolument accepté à cet instant précis, un peu comme si on avait rencontré un autre soi.
- J'adore ces moments.
* * * - Hier soir je suis allé me plonger un peu dans les profondeurs oubliées de l'histoire du diarisme en ligne. J'ai retrouvé des messages écrits il y a 3 ans. Bien vieux, tout ça! Beaucoup de noms ont disparu (ou ont changé?), mais certains sont toujours là.
- Je me demande parfois comment évoluera notre pratique dans les années futures. Il y aura certainement une multiplication des sites, peut-être des scissions de communautés selon les tendances de chacun (degré d'intimité, ou âge, par exemple). Il y aura des anciens qui auront connu les débuts, des nouveaux qui auront l'impression de découvrir... ce que d'autres avaient découvert bien avant eux. Je sais que c'est mon cas, en lisant justement ces anciens diaristes.
- Je crois que les premiers diaristes francophones on-ze-web datent de 1996. Ça ne fait pas bien longtemps, et pourtant c'est déjà si vieux. La préhistoire, vu l'accélération du temps sur internet.
- Si on devait compter les journaux morts, ça serait sans doute une sacrée hécatombe.
- Voila, c'était la minute historique. Je ne sais pas pourquoi, mais je me suis toujours intéressé à "notre" pratique depuis que je sais qu'elle existe. Peut-être pour comprendre pourquoi des gens aussi habituellement discrets que je le suis ont un jour l'idée folle de raconter leur vie à des inconnus?
Mon jovial voisin Que fait un diariste en ligne quand il n'a rien à écrire? Il se tait ou alors il maintient le contact?
- Je viens ici un peu par habitude, mais honnêtement je ne ressens plus ce "besoin" de m'exprimer. Je ne m'inquiète pas car je suppose que c'est une période transitoire, comme j'en ai déjà connues.
- Vais-je virer au factuel? Hmouais, je peux le faire de temps en temps, pour donner un autre aspect de moi.
- Pour ne pas changer, je me suis laissé aller sur le forum du journal xxx à défendre des choses comme le refus de l'agressivité, le respect de l'autre, la tolérance. Ouais, ce sont des sujets qui me tiennent à coeur. Inutile de vous dire que ça ne plaît pas à tout le monde! Rien que le terme de "valeurs" veut déjà tout dire: passéiste, tendance réac, etc... je commence à avoir l'habitude.
- Même sur le forum de la CEV, je me fais brancher parce que je me suis laissé aller a défendre quelques valeurs de respect mutuel dans le couple... Du respect? Hé l'aut'? Zy va! C'est quoi ces trucs de vieux?
- Bon, c'est vrai que j'ai fait une connerie en répondant naïvement à une question intéressante de Damélie: un forum n'est pas le lieu où on peut parler de choses un tant soit peu personnelles. Ou alors en restant vraiment superficiel (donc ça ne sert à rien).
- J'apprends. Tous les jours j'apprends ce qu'on peut dire ou pas en public. C'est marrant ces règles tacites. On peut critiquer (ça oui, ça passe généralement bien), dire des conneries, dire du rien, mais essayer d'approfondir, ça dérange souvent quelques personnes.
- Oh la la, c'te prise de tête qu'y nous fait l'aut'!
- Hop, n'approfondissons pas. Restons dans l'air du temps. Et ainsi va le monde...
* * *
- Bon, j'allais me lancer dans quelque chose plus en accord avec mon ton habituel. Ce sera pour une autre fois.
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- Merde! Ça me fait un drôle d'effet...
- Cet après-midi. J'ai vu passer mon voisin, dans la cour de sa ferme en contrebas de chez moi. Avec sa blouse bleue, ses bottes et sa casquette vissée sur le crâne, vaquant comme d'habitude à quelque occupation. Même à la retraite, un agriculteur n'arrête jamais de travailler. Enfin... si.
- A cette distance, parfois on se hélait. En parlant un peu fort, on faisait un brin de causette. Toujours jovial. Il avait un tel coffre que tout le quartier devait en profiter. Mais pas aujourd'hui, parce qu'il ne m'a pas vu. En hiver, on se voit moins souvent et il y a quelques temps que je ne lui avais pas parlé.
- Je ne lui parlerais plus...
- Il est mort quelques minutes plus tard. Comme ça, d'un coup.
- J'étais retourné un peu plus loin, mais j'ai bien entendu la sirène des pompiers, passant sur la petite route, puis plus rien... Je me suis demandé s'il y avait un feu quelque part, ou un accident. Mais je ne voyais rien du fond de mon terrain. Et comme je ne suis pas du genre à aller voir ce genre de choses...
- C'est toujours con la mort. Sauf maladie, ça vient quand on ne s'y attend pas. Et puis ça frappe au hasard. Et à chaque fois on se dit que ça pourrait bien arriver à nos plus proches. Elle frappe de plus en plus souvent autour de moi, mais jamais trop près. Un jour viendra où elle frappera très près. Je crains le trop près...