Mois de janvier 2002
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Après la bourrasque 
 
 

Mardi 1 janvier 2002

 

Journée un peu perturbée après la soirée d'hier, largement contrariée par ce message inopportun de ma mère.
 
Hum, on ne coupe pas si facilement une relation affective aussi forte.
 
Quand je dis "couper", c'est dans le sens psychologique du terme, parce qu'il est évident que je ne vais pas m'éloigner de ma mère et encore moins "couper les ponts". Disons que c'est plus dans le sens de "couper le cordon", ou ce qu'il en restait.
 
On idéalise souvent ses parents, mais vient un moment où on les voit simplement comme des adultes faillibles. Je crois qu'hier aura marqué une coupure un peu plus violente que les précédentes, mais ce n'est certainement pas un mal.
 
Il n'y a aucun regret à avoir à devenir plus lucide.
 
J'ai écrit un très long message à ma mère, lui parlant sincèrement, sans agressivité, mais sans retenue non plus. Je me suis adressé à elle d'adulte à adulte, entre personnes responsables. Nul doute que mon message va la perturber, sans doute bien davantage que le sien à mon égard, du moins dans l'immédiat.
 
C'est bizarre de changer brutalement de registre avec quelqu'un qu'on connait depuis longtemps (depuis si longtemps, dans ce cas là...). Accéder à une franchise sans fioritures en quelques heures... Tout ça parce qu'elle m'a dit des choses avec une pointe de... je ne sais pas comment le qualifier... une pointe de désir de faire souffrir. Oh peu, très peu. Juste un ton ironique, quelques phrases ressorties du passé, et une tonalité légèrement... piquante.
 
Venant de ma mère, c'est totalement nouveau. Une découverte. Typique des gens qui retiennent trop, jusqu'au moment où tout sort en allant plus loin que prévu.
 
Pas de chance, je suis hypersensible à certains tons, et surtout à la trahison de la confiance que je donne. Or elle à sorti des choses qui n'avaient pas leur place. je me suis rendu compte que la confiance que j'avais en elle était un peu surestimée. Sous couvert de dialogue, elle me jugeait en fait. Je lui faisais confiance parce qu'elle parlait avec moi, mais c'était une façade, une politesse qu'elle me faisait. Elle n'était pas tout à fait sincère. Elle trichait.
 
Pas volontairement bien sûr. Elle le faisait pour me laisser m'exprimer, parce qu'elle pensait presque pareil, mais pas vraiment tout à fait. Et sur certaines questions fondamentales, ça change beaucoup de choses.
 
Et surtout, le fait qu'elle refuse de voir une responsabilité dans celui que j'étais ne me plaît guère. Je le vois comme une fuite, une auto-protection.
 
Elle revendique la transmission de certaines valeurs (les "bonnes"), mais refuse d'assumer la responsabilité de certaines (les "mauvaises, les trop rigides). Incohérence que j'ai soulignées dans le message que je lui ai envoyé.
 
Et oui, même plus de vingt ans après avoir quitté le domicile familial, l'importance des parents peut demeurer grande...
 
 
* * *
 
 
Bon, pour ne pas rester sur cette note pas très gaie, voyons voir ce qui se passe ailleurs.
 
Kathryn, qui n'avait pas répondu à mes messages depuis un moment s'est à nouveau manifestée. J'avais de très bonnes relation amicales avec elle, mais tout avait cessé assez brutalement, sans raisons. Je me doutais qu'elle pouvait êtte préoccupée ailleurs. Devant ma relative insistance à savoir si elle recevait bien mes messages, elle s'est excusée et m'a précisé avoir eu beaucoup de changements dans sa vie. Elle me promet de m'en parler prochainement.
 
Ça va, je suis rassuré.
 
Zoé, qui avait répondu il y a quelques jours à mon message axé sur des relations plus approfondies et sincères, a reçu hier un long message de ma part, toujours sur le même ton. Je verrai bien si ça passe ou si ça casse.
 
Je me rends compte que je suis de plus en plus fidèle à celui que je me sens être, mais je suppose que ce changement assez brusque peut désorienter ceux qui me connaissaient depuis fort longtemps. Zoé est une sorte de "test" parce que c'est une personne que j'ai toujours apprécié. Si la mutation fonctionne avec elle, ce sera un sacré coup de pouce pour ma confiance en moi.
 
Et puis je crois que ce sera une des rares personnes de ma vie réelle que j'ai envie d'approcher.
 
Pour la vie virtuelle, qui me comble maintenant, je vois se développer des relations assez agréables. Je centre beaucoup plus qu'auparavant mes contacts. Certains sont solides maintenant et comptent beaucoup. D'autres me tentent, m'attirent et je les suis volontiers. Par contre je renonce parfois à ceux qui sont moins forts, sentant qu'il est inutile de forcer ce qui ne fonctionne pas vraiment.
 
Parfois il y a un petit pincement, mais ainsi va la vie. Alliances et désalliances, ou simple distanciation. Mais comme je suis fidèle en amitié, rien n'est jamais définitif.
 
* * *
 
Deux heures au téléphone avec ma soeur, au sujet des "évènements familiaux". Ça fait du bien.
 


Contrecoup
 
 

Mercredi 2 janvier 2002

 

Comme je m'y attendais, le contrecoup de l'attitude de ma mère fait son effet. Une sourde impression de malaise m'accompagne en permanence, dès que j'ai l'esprit libre.
 
Me reviennent des mots, des bribes de phrases et surtout cette impression de "trahison". Je crois que c'est vraiment une chose à laquelle je ne m'attendais pas de sa part.
 
Le premier soir, je me suis senti paradoxalement fort de ce détachement brutal. Rien de changé pour ça, une coupure s'est définitivement faite. Mais ce qui m'accable maintenant, bien différent, est ce coté "perte de confiance".
 
J'ai toujours su que la confiance était le fondement de tout ce que je pouvais construire avec les autres. C'est pour cette raison que je ne donne que parcimolieusement, au départ, des éléments de ce qui me concerne. Mais si je sens que je peux faire confiance, alors je perds rapidement cette méfiance initiale et je suis prêt à donner beaucoup de moi. Je pourrais presque dire "tout". C'est sans doute même trop et je crains parfois d'indisposer mes interlocuteurs.
 
Mon histoire est jalonnée de confiances "trahies". En fait, je ne pense pas que qui que ce soit mais "trahi" volontairement. C'est plutôt moi qui me suis trompé et ai donné plus que je devais. Trop de sincérité envers qui ne le demande pas. C'est quelque chose dont je dois apprendre à me méfier.
 
C'est ce qui à bloqué toute initiative de ma part pour aller vers les autres pendant des années. Je me demande encore comment j'ai pu encaisser le fort blocage, que j'ai interprêté comme un manque de confiance, manifesté par Laura. Je crois que sans la découverte d'internet, je serais resté encore longtemps bloqué sur cet échec.
 
Ouh la! trois fois le mot "blocage" dans le paragraphe! Je ne corrige pas parce que ça me semble assez signifiant...
 
Ceux qui me suivent depuis longtemps auront remarqué combien il m'arrive fréquemment de faire une avancée un peu audacieuse, suivie très vite d'une "marche arrière". Quelques unes de mes correspondantes me l'ont fait remarquer. C'est à chaque fois parce que j'ai peur d'être allé trop loin dans la sincérité, de trop me dévoiler... et que je redoute de me faire rejeter pour ça. Comme si mes confidences pouvaient être insupportables, ou ne devaient pas être dites.
 
Je crains tout autant une réaction du type «mais pour qui il se prend?» que celle de devenir trop transparent, donc vulnérable.
 
Et pourtant je ne cesse de tendre vers plus de sincérité, toujours plus.
 
Jusqu'à maintenant, avec ce journal, je ne crois pas l'avoir regretté un jour. Mais je redoute toujours le moment où quelque chose me reviendra dans la figure...
 
C'est presque comme si c'était évident, que ça devait se produire.
 
Mais cette sincérité, cette complicité, cette confiance que je recherche, c'est comme une drogue. C'est le bien-être total. Et lorsque je parviens à passer ce cap de la complicité, notamment avec quelques lectrices privilégiées, c'est un immense bonheur. Je suis souvent très touché et ému par quelques mots, quelques confidences faites. Parce que je ressens une confiance partagée.
 
Et rien ne me fait plus plaisir
 
 
* * *
 
Dans le même ordre d'idée, j'ai longuement parlé avec mon fils aîné ce matin. Au sujet des relations amoureuses (il est en plein dedans) et de la complicité qui peut naître.
 
Mon fils est passé récemment d'une très proche amitié avec une fille, qui durait depuis des mois, à une attirance mutuelle, puis une relation amoureuse. Il me semblait évident que ça finirait de cette façon, mais j'étais curieux de voir si mes pronostics allaient être démentis (bien sûr, je ne lui avais rien dit de tout ça).
 
Je savais qu'ils avaient une très grande confiance réciproque et qu'ils de disaient "tout". Vu le nombre d'heures qu'ils passent au téléphone, les échanges de mails, les après-midi chez l'un ou l'autre, à l'évidence ils avaient beaucoup à se dire...
 
Bref, ils se sont rendus compte un jour qu'ils ne pouvaient pas se passer l'un de l'autre. C'est donc tout le contraire d'un coup de foudre puisqu'ils ont doucement glissé de l'amitié à l'amour.
 
Notre conversation s'est orientée, j'allais dire "naturellement", vers la confiance réciproque. Mon fils est très conscient de l'importance de la plus grande sincérité pour établir une relation de couple quelque peu solide. Il a une très grande lucidité sur les relations amoureuses, de la simple attirance au "grand" amour. M'est avis qu'il est du genre à bien savoir ce qu'il veut...
 
Bref, là où je voulais en venir, c'est que lorsque nous avons abordé ce sujet de la confiance mutuelle et de la sincérité, une nouvelle fois je me suis senti envahi par l'émotion. Je trouve tellement... merveilleux (allez, n'ayons pas peur des mots!) une relation qui se contruit sur ce principe que j'en suis toujours ému.
 
Ce n'est évidemment pas que je magnifie toute relation en sacralisant la notion d'engagement, vous le savez bien en me lisant, mais je trouve qu'au delà de toute attirance, séduction, choses bien tentantes, il y a cette idée de confiance.
 
Pas forcément de durée, parce que ça dépend de beaucoup de facteurs et des désirs de chacun, mais au moins de véritable respect de l'autre.
 
Et quel plus beau respect que de faire confiance et donner sa confiance?
 
Bon j'aimerai bien approfondir un peu ma vision de ce genre de relations, ainsi que ce qui fait un couple, quelque soit la durée de vie de ce couple, de la libraimance chère à l'Incrédule, au couple plus classique que je représente avec Charlotte, en passant par les relations amoureuses qui se transforment en amitié ou inversement. Mais c'est un sujet qui me semble bien vaste... Ophélie l'a abordé récemment, mais je n'ai pas eu le courage de renchérir...
 
 
* * *
 
 
J'aime bien ce suivi de pensées qui s'opère d'un journal à l'autre. Ce petit bouillonnement d'idées en synergie. Récemment j'ai vu qu'une de mes chroniques avait inspiré L'insomniaque. J'aimerai plus souvent "participer", mais le temps est compté. Les heures d'écriture passent si vite...

 


Dopage
 
 

Jeudi 3 janvier 2002

 

Hum... ça ne va pas trop fort en ce moment. Je ne sais pas bien ce qui se passe, mais je me sens sombrer dans un état peu vaillant.
 
Le mot de déprime me vient en tête...
 
J'ai l'impression de courir après quelque chose qui demande beaucoup d'énergie pour l'atteindre. Pour ce faire, je me dope, mais sans cet appoint extérieur je crois que je renoncerais.
 
Ce dopant, cette drogue, ce sont les relations multiples que j'ai nouées. Comme si je voulais rattraper toutes ces années passées "seul". Je prends un immense plaisir à échanger et c'est un coup de pouce fantastique. Mais comme tous les dopants, cet énergie supplémentaire fait que je ne me rends pas compte à quel point je m'épuise.
 
Mais quand je constate à quel point je suis sensible à tout avis extérieur, dans un sens favorable ou contraire, je me dis que je sollicite beaucoup mon mental en ce moment. Pas étonnant que je fatigue de temps en temps...

Plusieurs personnes m'ont dit que j'avais fait de grandes avancées dans ma démarche. Ce qui est amusant c'est que j'ai l'impression que ce sont les autres qui s'en rendent compte plus vite que moi.

 
Je finis par réaliser, quand même, que depuis quelques mois je "progresse" rapidement, et que ça ne se fait pas tout seul. Assurément je "travaille" beaucoup sur moi, en faisant presque un objectif prioritaire. En dehors de la famille, je passe énormément de temps à écrire et analyser. Au point que mon travail, pourtant issu d'une passion, en devient une gêne. J'ai laissé tomber beaucoup de mes occupations antérieures: je ne bricole plus, je lis peu de livres, je ne regarde plus la télé (ça, ce n'est pas un mal...). Tout ce qui me soustrait de cette réflexion continuelle, sur "moi" et celui que j'ai envie d'être, est perçu comme de moindre importance.
 
J'imagine ce qu'on pourrait penser d'un type qui dit: «je pense d'abord à moi, il n'y a que ça qui m'intéresse». Franchement pas fréquentable le gars! D'abord je simplifie, parce que c'est l'humain en général qui me passionne et plus particulièrement le coté relationnel, à quelque échelle que ce soit. Ensuite ce n'est pas "moi" comme sujet d'étude, mais pourquoi je suis resté aussi longtemps "hors de moi", et comment aller vers celui que je me sens être.
 
Je crois que j'ai passé des années à ne pas penser à moi. Je ne pensais qu'à l'image qu'on pouvait avoir de moi, à commencer par celle que je voyais de moi. Pour "exister", pour me sortir de cette insignifiance, de cette médiocrité dans laquelle on m'avait assigné, je devais montrer que j'avais quand même quelques qualités. Simple question de survie. Sans ça, c'est simple, j'aurais sombré.
 
 
On reconnaissait mon coté bricoleur habile? alors je me défonçais dans le bricolage. Toujours un outil à la main, en train de fabriquer de petits meubles, de refaire une pièce, de réparer la voiture, installer placards ou étagères, améliorer l'installation élécrique ou l'isolation de la maison.
 
On appréciait que j'entretienne le jardin? Alors je passais mes journés libres (quand je ne bricolais pas) à tondre, débroussailler, tailler, entretenir, semer du gazon, planter des fleurs ou des arbres, contruire des murets. Je finissais souvent à la nuit (et l'été la nuit vient fort tard...), harassé.
 
L'hiver je coupais du bois, arrangeais les chemins, entretenais les rigoles, débroussaillais encore.
 
Charlotte à fini par rouspéter de voir tant de week-ends consacrés à ces travaux sans fin. J'ai du réduire mon ardeur.
 
On trouvait que je dessinais bien? Je passais des heures à fignoler des détails que personne ne verrait jamais. Masochiste, je montrais systématiquement ce qui ne me convenait pas, anticipant une éventuelle remarque. Comme s'il me semblait évident que mon travail ne pouvait qu'être imparfait, forcément un peu "raté".
 
On aimait mes photos? Alors je passais des heures à arpenter la campagne, traquant des ambiances et des lumières, des contre-jours ou des transparences. Les voyages, je les regardais un oeil dans viseur. Je m'étais même lancé dans la voie des expositions...
 
Il fallait que j'existe aux yeux des autres, qu'on apprécie mon travail, qu'on me reconnaisse. Je ne pouvais le faire qu'en perfectionnant mes atouts, répondant ainsi à la demande.
 
Mais moi, je m'oubliais.
 
Tout était fait pour les autres. Pour être accépté et reconnu par les autres. Moi le nul, l'insignifiant, je montrais (et me montrais) que je pouvais avoir une certaine "valeur". L'exigence, le perfectionisme étaient mes guide de travail.
 
Piège infernal que de n'exister que pour le regard des autres. Quête sans fin dont on n'est jamais rassasié.
 
Rien ne remplacera l'estime manquante d'un père...
 
Quinze ans à ce régime là, avant de me rendre compte que tout n'allait pas bien. Que j'avais toujours aussi peur du jugement de l'autre, que je me sentais toujours "nul" et pris en défaut.
 
Et depuis dix ans j'apprends à m'écouter un peu. Tout doucement au départ, parce que je ne savais pas m'entendre. Et puis au fil des années une voix à percé, un chemin de traverse m'est apparu que j'apprends à suivre. Mon chemin. Mon libre chemin, celui qui me convient, que je me choisis.
 
Après ces dix ans, je marche de plus en plus facilement en son centre, délaissant celui que j'avais cru bon de prendre, pour faire plaisir à... à qui? Pour correspondre à ce que je croyais qu'on attendait de moi.
 
Mais personne n'attendait rien de moi. Sauf Charlotte qui attendait que je devienne moi. Et moi, je ne savais pas ce que j'attendais. Les autres? Quelle importance! On ne vit pas pour les autres, mais avec les autres. Vouloir plaire aux autres est un chemin de folie.
 
On plaît pour ce que l'on est, pas pour ce qu'on essaie d'être. Sauf si on essaie d'être soi...
 
Depuis ces dix ans je suis parti à la découverte de moi, des autres, et de ce qui nous relie. Je ne connais pas plus belle aventure.
 
Voila pourquoi cette découverte me passionne tant. Voila pourquoi j'y consacre autant d'énergie.
 
 
 
Euh... ça ressemblerait pas à une justification ça? Me préoccuperais-je de l'image qu'on peut avoir de moi?
 
Oh noooooon, je vous assure!
 
 


Petit garçon bien sage
 
 

Vendredi 4 janvier 2002

 

Si je passe autant de temps à m'introspecter, ce n'est pas seulement parce j'en ai "besoin". C'est aussi grâce à la déconcertante possibilité qui m'est donnée pour le faire. Sans patron, sans horaires, rien ne m'empêche de passer autant de temps que je souhaite à cette activité.

Rien, si ce n'est un coté "raisonnable" qui me dit «il faut quand même travailler». Oui, je sais... Et lorsque j'ai beaucoup de travail la question ne se pose pas. Mais quand, comme en ce moment, il fait trop froid pour exercer un grande part de mon activité, je dispose de beaucoup de temps "libre". Faussement libre, parce qu'un bon gestionnaire en profiterait pour mettre à jour divers retards, ou anticiperait sur des travaux futurs. Mais moi je ne le fais pas. Je ne le fais plus.

Marre de courir pour être performant, apprécié, irréprochable.

Je me vautre dans la facilité, l'instant présent. Je pense à moi et seulement à moi. Je pense à ce qui me fait du bien. Sans égoïsme (toujours besoin de me justifier, hein...) puisque je partage ces moments avec ma famille ou dans des discussions.

Je pense que c'est un état transitoire. Tout comme j'avais vécu un épisode semblable lorsque Laura occupait mes pensées il y a quelques années. C'est un sentiment d'urgence afin de régler au plus tôt ce qui m'empêche de vivre. Parce que c'est bien du vivant toutes ces réflexions, c'est même assez intense, mais ce n'est pas une liberté. Je suis soumis à mes pensées et je veux quitter ce domaine de soumission.

J'aimerai pouvoir vivre libre, serein.

 

* * *

 

Il y a quelques jours, profitant du changement d'année, j'ai écrit à quelques personnes avec qui je n'avais plus eu de contact depuis longtemps. J'ai eu le grand plaisir de les voir répondre à la sollicitation avec enthousiasme, immédiatement. Il y a quelque chose de bienfaisant à sentir que ces relations, même occasionnellement espacées, sont toujours bien présentes.

Sans doute était-ce aussi une façon pour moi de me rassurer sur la trace que j'avais laissée chez ces personnes. Toujours ma crainte d'avoir déçu en laissant cette distance s'installer, ou même de l'avoir causée, pour je ne sais quelle raison.

Ces doutes permanents sur ma "valeur" auprès des autres sont épuisants...

Mais je crois qu'il faut plutôt imputer ces silences au constat que font plusieurs personnes: le temps nous manque. Il ne nous est pas toujours possible de répondre comme, et quand nous le souhaiterions. Nous en sommes tous plus ou moins au même point. Alors on va vers ce qui est le plus brûlant sur le moment. Parfois c'est écrire dans le journal, parfois répondre au mails, ou parfois réagir immédiatement à la lecture d'un diariste. Et ceci sans respecter l'ordre d'arrivée des messages. Il m'arrive de répondre immédiatement à un mail, même fort longuement, alors que je n'ai «pas le temps » de répondre à un court message qui date de deux jours...

Je compte toujours sur l'indulgence de mes correspondants qui, heureusement, ne semblent pas s'en formaliser. Euh... ceci étant une façon de répondre collectivement à ceux et celles qui m'ont écrit récemment. Je crois qu'entre diaristes on se comprend et qu'on devine bien que l'autre n'a pas forcément l'esprit à répondre. Et d'ailleurs, tout message n'implique pas forcément une réponse. C'est mon coté petit garçon bien élevé qui se sent obligé de répondre pour montrer qu'il a bien lu le message.

Y m'énerve ce petit garçon bien sage!

J'ai trop longtemps été celui là. C'est bien pour ça que je me suis mis en tête de plaire à tout le monde. Pour sentir le regard fier de ma maman quand on lui faisait des compliments sur ce garçon bien sage et bien poli.

Pouah! Fini ça, je ne veux plus être perçu comme ça. Je veux qu'on m'apprécie pour ce que je suis, pas pour l'application que j'ai à suivre l'image conforme qu'on attend de moi (que j'imagine qu'on attend de moi...).

J'ai sagement suivi les études qu'on disait bonnes pour moi, me suis efforcé de suivre les règles de bonne conduite morale, je suis allé fidèlement à la messe comme on me l'avait appris... Mais maintenant ça m'emmerde (euh, pour la messe, ça fait bien longtemps que j'ai abandonné...).

Je me fais rire! On dirait un ado de quinze ans en révolte! Ben oui, mieux vaut tard que jamais, non?

Bon, vous constatez que c'est un peu le bordel dans mes entrées, je parle de tout mélangé. Mais il y a quand même bien un fil directeur: c'est le renoncement à tout ce qu'on m'a appris à être et qui ne me convient plus. Je ne veux faire mien que ce qui est en accord avec mes convictions. Par exemple je resterai poli, courtois et respectueux parce que je crois que c'est le meilleure façon d'avoir des rapports sans trop de heurts.

Mais faut quand même pas qu'on vienne m'emmerder! J'ai appris aussi, récemment, à me défendre avec les moyens qu'il faut quand on me fait chier. Sur le forum où je me suis fait chahuter d'abord (vous voyez que ça valait le coup que j'apprenne à encaisser les coups...), puis avec ma mère, ces derniers jours.

Oui, j'ai retourné son agressivité vers elle. Je l'ai fermement refusée et elle a dû se débrouiller avec. Je n'étais pas là pour encaisser ses difficultés. Dialoguer, oui, mais pas subir ce dont je ne me sentais pas responsable.

C'est dans un bouquin de Jacques Salomé que j'ai lu ça, dans le train qui m'emmenait à Paris le mois dernier. Quelque chose du genre «oui, je comprends que tu puisses ressentir ça, mais ce n'est pas ma façon de voir, alors je ne veux pas accepter ton agressivité à mon égard, je te la laisse». Un peu comme si on glissait un miroir sans tain entre les deux qui ne laisserait passer que le dialogue mais renverrait l'image de l'agressivité. Je le lisais en pensant essentiellement aux rapports humains en général, et notamment ceux que j'avais eu sur le forum, je ne pensais pas que ça me servirait aussi vite pour quelqu'un d'aussi important que ma mère. Le hasard est souvent bienveillant...

Ce n'est certes pas la première fois que j'avais connaissance de ce concept. Je me souviens que Charlotte m'en avait parlé au sujet de l'agressivité de ses parents, Inès aussi vis à vis des siens. Mais à l'époque je n'avais pas "percuté".

[Parenthèse: vous avez remarqué comme le rapport aux parents dure longtemps? Et comme la quarantaine est un moment clé pour régler tout un tas de non-dits? Je dis ça en pensant aux plus jeunes qui seraient éventuellement en train de me lire et ne se doutent probablement pas de ce lien qui est bien plus durable qu'on ne le croit. Certains liens ne se coupent pas en quittant la maison parentale, bien loin de là. Et quand je lis certains diaristes de 25 ans ou plus parler autant de leurs parents, je me dis que... ben il se pourrait bien qu'ils aient une sérieuse crise dans quelques années. Le pire, c'est qu'on ne s'en rend pas du tout compte à ce moment là. A 25 ans, j'aurais pu jurer que je m'entendais très bien avec mes parents, surtout avec ma mère, et que je me sentais tout à fait autonome. Mais bon, chacun doit faire son chemin...]

 

Bien. Vous aurez remarqué qu'en ce moment je suis à fond dans l'auto-analyse. Et pas sur une page à part cette fois. Marine avait raison, les deux sont trop proches pour se scinder vraiment.

Je me demande toujours si ce genre d'entrées-fleuves sont lues en détail ou seulement parcourues. Parce que c'est quand même vachement personnel, c'est une histoire singulière, la mienne, et je ne sais pas ce que d'autres peuvent y trouver pour éclaircir leur propre vécu. Mais je me dis que ces rapports aux autres, et notamment aux parents, doivent probablement éveiller quelque chose chez pas mal de gens...

Putain, ça fait du bien d'écrire!

Euh... je remarque que j'utilise de plus en plus fréquemment des mots (légèrement) grossiers. J'aurais pas osé au départ. Peut-être le petit garçon qui se rebiffe?

"Petit garçon" est aussi nouveau dans mon écriture. C'est en lisant Lou qui parle souvent de la petite fille qui est en elle que j'ai réagi l'autre jour, constatant que je ne me sentais jamais ce petit garçon que j'avais été. Mais l'idée à dû me plaire puisque je m'y suis mis spontanément. Sans doute le moment était-il venu avec cette histoire avec ma mère. Conjonction de hasards, une fois de plus...

 

Hmmm, ça ma redonné la pêche d'écrire, finalement. Parce que je sais (oui oui, maintenant j'arrive à avoir quelques "certitudes") que je serais lu en sympathie. J'ai l'impression qu'il existe un petit noyau de diaristes qui s'entre-lisent (on fait souvent allusion aux mêmes), se répondent plus ou moins dans leurs entrées, commentent et se lancent dans leur propre impression d'un sujet développé par un autre. Tout le contraire d'une écriture narcissique en fait. Nous sommes bien loin du journal papier et de son image égoïste et fermé sur soi. Ce n'est pas un journal collectif, mais des journaux en synergie. Chacun se construit et avance "avec" les autres. Je n'irais pas jusqu'à parler de solidarité, mais il y a quand même quelque chose cet ordre.

Waow, c'est quand même vachement bien, vous ne trouvez pas?

 

* * *
 

Constat, une fois de plus, en me relisant. Mes entrées se font sur le mode analytique et glissent facilement d'un sujet à un autre. Je crois que c'est vraiment ma façon de fonctionner et il est inutile que j'essaie de rester sur un seul sujet comme le font plusieurs des diaristes que j'apprécie. Pas grave, c'est mon style et je n'ai pas à me comparer et faire des complexes par rapport aux autres (oui, je sais que vous me le dites souvent, mais cette fois c'est moi qui me le dis. C'est un progrès, hein?)

 


Mauvais prétexte
 
 

Samedi 5 janvier 2002

 

Je n'avais pas prévu d'écrire ce soir (eh, faut bien laisser un peu se reposer les neurones...). Flanant parmi les diaristes, sur le forum de la CEV, puis allant faire un tour sur le sondage en cours...
 
Je suis finalement allé voir les statistiques de ce site. Surprise! Le record de pages vues a été battu le 2 janvier. Pourquoi? Je n'en sais rien. Mais moi qui craignais que mes entrées soient trop longues et décourageantes à lire, il semble que ce soit le contraire.
 
Ce que je ne comprends pas très bien, c'est que les visites sont parfois assez largement supérieures au nombre de visiteurs... Vous venez plusieurs fois dans la même journée? Pourtant je ne fais jamais deux mise à jour dans la même journée (excepté autour du 11 septembre 2001...). Mystère.
 
Bon, mais on s'en fout un peu de tout ça...
 
Bah oui, mais ça compte aussi. Toujours besoin de savoir si je suis lu, et par combien de personne, globalement.
 
* * *
 
Bon, à part ça j'aimerai bien poursuivre des réflexions entamées par d'autres diaristes, mais j'avoue que je manque un peu de courage. Et puis j'ai plein de mails en attente... Oh la la, quelle activité débordante!
 
Hum... tout bien réfléchi, je n'avais rien à écrire ce soir. Et vous savez pourquoi je m'y suis mis? Et bien une raison tout à fait stupide!
 
Je devrais tout effacer et vous n'en sauriez rien...
 
La raison stupide, c'est que j'ai vu que mes dernières entrées "faisaient de l'audience"... Beark! En voilà une motivation d'écriture lamentable! Je me suis dit «si je n'écris rien, ils vont être déçus». N'importe quoi, hein?
 
Grrr, j'ai vraiment envie d'effacer tout ça.
 
Bon, allez, j'envoie parce que je suis sincère. C'est le pari que j'ai fait depuis le début de ce journal. Et puis parce que je n'efface jamais ce que j'ai écrit.
 
Et aussi parce qu'il était question du mensonge dans les journaux, sur le forum. Ce soir je ne mens même pas en cachant ce que vous auriez pu ne jamais savoir.
 
Mouais... on se demande si ce n'est pas mieux de mentir dans ce genre de cas...
 
 

La sincérité du silence
 
 

Lundi 7 janvier 2002

 

Bon, depuis ma dernière entrée je suis énervé contre moi. Ce que j'ai laissé là m'a même gêné quelques minutes dans ma nuit, me permettant de connaîtres les affres de l'insomnie (non chronique, dans mon cas, n'est-ce pas Lou?).
 
Quelques minutes seulement, parce que j'ai la chance d'avoir un sommeil extrêmement efficace. Ainsi une insomnie de quelques minutes est-elle exceptionnelle. Passer la dizaine de minutes tient du surréaliste (pour un idéaliste, c'est bizarre d'aller dans le surréalisme...).
 
Bref, je n'étais pas du tout content de cette image que j'ai laissé de moi: celle du gars qui se préoccupe de son audience.
 
Depuis, je suis puni!
 
Puni parce que je n'ai plus envie d'écrire. Un peu comme si quelque chose en moi se manifestait pour montrer que mon audience m'indiffère (soyons honnête: elle ne m'indiffère que sur le court terme).
 
Je ne sais pas trop ce qui m'a pris ce jour là. Je crois que, me rendant compte que mes entrées se suivaient quotidiennement (rythme inhabituel), conjuguée à ce record de pages vues (ce qui ne veut rien dire surtout après un jour férié), je me suis senti pendant quelques minutes comme... je sais pas trop. Comme... devenu suivi avec attention par plus de monde qu'à l'habitude.
 
On appelle ça vulgairement "la folie des grandeurs".
 
Ouais, c'est pas allé bien loin, je vous rassure. Juste une petite impression, que j'ai malencontreusement voulu transcrire dans mes écrits.
 
C'est un peu con de s'être laisser aller à penser ça, mais ça l'est encore plus de l'avoir écrit. Bon, disons que j'aurais été honnête en le disant...
 
Finalement, ça contribuera à me faire voir les limites de la sincérité. Comme me dit un de mes lecteurs « On ne peut qu'être imparfaitement sincère, la bonne façon d'être sincère étant, selon moi, de ne donner ni plus ni moins que ce que peut nous rendre l'autre, et de ne donner que ce que nous n'aurons pas à reprendre ensuite... ». Donc, là j'ai trop donné, et je dois "reprendre" en m'expliquant de cet excès.
 
En fait cette sincérité absolue est une chimère. Elle ne peut ni ne doit exister, elle serait invivable.
 
La seule sincérité qui me semble importante est celle dqui consiste à ne pas mentir, ne pas tricher. Être digne de confiance, tout simplement.
 
Mais TOUT dire serait une folie.
 
Le silence n'est pas insincère.
 
 
 


 
Un peu de tout
 
 

Jeudi 10 janvier 2002

 

Je ressens comme un petit creux dans ma vie internautique. Sans doute parce qu'elle a pris trop d'importance dans ma vie et que je constate qu'elle ne comble pas mes attentes.
 
J'avais cru trouver un espace de liberté, un moyen de rencontrer des gens hors de mon cercle d'exploration habituel. J'avais idéalisé (normal...) ce qui se révèle être, finalement, bien similaire à la vie sensorielle.
 
Oui, c'était évident... mais j'ai voulu croire à autre chose.
 
Oh, ce n'est pas dans le cadre des relation privilégiées que j'ai développé que se situe le problème. Non, j'apprécie toujours autant ces contacts, même si j'y mets moins de passion.
 
Je veux parler des espaces "sociaux", ces lieux où on se retrouve pour échanger. Je me suis lassé des Chats, que j'ai trouvé définitivement creux. Je suis en train de me lasser des forums, sur lesquels il est illusoire d'espérer des dialogues sereins. Pourtant, on sent bien que potentiellement il pourrait y avoir là un fourmillement d'idées. Mais chacun est trop différent: impossible de se comprendre avec certaines personnes. J'ai participé à plusieurs forums, et j'en arrive toujours au même constat désabusé.
 
Bah... j'ai même pas envie de développer. Ceux qui sont passés par cette étape de désillusion me comprendront. Les autres me comprendront plus tard.
 
Je savais bien que j'en arriverais là un jour, ayant lu ici et là ce même constat que je fais depuis quelques temps.
 
Je ne sais même pas pourquoi j'écris ça...
 
Tout ce monde virtuel m'agace. Il est trop semblable à l'autre. Forcément...
 
Un jour je finirai par devenir réaliste.
 
 
* * *
 
 
J'ai vu que Vanicaramel avait mis à jour sa liste des diaristes (le 9 janvier). Je suis allé faire un tour. Surprise! Vani n'a pas fait les choses à moitié. Une liste impressionnante avec un commentaire détaillé sur chacun.
 
Bon... évidemment j'ai lu ce qu'elle disait de moi. Toujours intéressant de savoir comment on est perçu.
 
«le journal de l'Idéaliste, quelqu'un qui réfléchit posément, analyse bien, tout en faisant sourire le lecteur devenu complice... Ses réflexions sur le journal intime nous font nous sentir bêtes et novices ! Mais il lui arrive de tourner en rond aussi...»
 
Bien, enchanté de savoir qu'une complicité peut s'établir entre "nous". C'est un peu bête, parce que je m'adresse toujours à vous, comme à des complices, effectivement, mais j'ai du mal à me dire que ça peut être perçu de la même façon en sens inverse. Toujours une propension à douter de moi...
 
Mais puisque vous êtes complices, vous le savez bien ;o)
 
Et si je fais sourire (sans que je sache bien si c'est volontaire ou non...), et bien c'est déjà ça de gagné!
 
Pour les réflexions... boah... moi aussi je pense la même chose en lisant d'autres diaristes. On a tous à apprendre des autres.
 
Tourner en rond! Euh... t'as pas tort Vani! C'est vrai que reviennent souvent les mêmes thêmes, les mêmes questions. Je me dis que ça doit être un peu agaçant à la longue, et je suppose que vous zappez lorsque je rabache un peu trop.
 
En fait je crois que c'est significatif d'un processus de compréhension en cours. Il me faut me réapproprier régulièrement des idées pas encore bien ancrées. Re-réfléchir, pour re-déduire les mêmes choses que la fois précédente, mais avec un peu plus de conviction.
 
Et puis ma spécialité c'est de revenir en arrière, tout remettre dans la balance d'un coup, surtout lorsque j'ai "avancé" un peu trop rapidement. Retours en arrière de courte durée, généralement, puisque la "marche en avant" reprend un peu plus tard.
 
En tout cas Vani se débrouille très bien dans ses descriptifs, même si elle prévient «Vous n'imaginez pas comme c'est casse-gueule de vouloir cerner les autres en quelques lignes» en préambule.
 
Avec ma petite liste de diaristes je me sens un peu juste...
 
STOP! Ne pas se comparer aux autres! Règle fondamentale pour se sortir du doute sur soi. Forcément, parce qu'on trouvera toujours en quoi que ce soit quelqu'un qui fait "mieux". Et si on regarde systématiquement ces mieux, et uniquement ça, alors on ne peut que se sentir "pas à la hauteur".
 
* * *
 
Bon, je crois que le sondage que j'ai fait est concluant: Vous cliquez quasiment tous sur les liens de diaristes, et sur ceux des prénoms lorsque vous ne les reconnaissez pas. Et vous préférez à l'unanimité ces liens insérés dans le texte.
 
Moi qui me demandais si je ne pouvais pas faire l'économie de ces liens, un peu fastidieux à écrire...
 
Vous pouvez voir les résultats du sondage.
 
 
* * *
 
 
Reçu un mail d'une nouvelle lectrice qui s'est plongée dans mes écrits. Elle me dit avoir déjà lu la moitié des 557 pages que j'ai déjà écrites! Double surprise: d'abord qu'une personne ait le courage de se lancer dans la lecture de tout ce que j'ai écrit, comme on lirait un livre, et ensuite d'avoir écrit autant de pages.
 
 
* * *
 
 
Au sujet des * * * qui ponctuent mes paragraphes. Ils sont généralement utilisés pour séparer les sujets. Mais parfois il s'écoule plusieurs heures entre deux sujets, ce qui explique un ton qui change. Par exemple j'ai écrit assez désabusé sur les relations virtuelles, puis ensuite, après la lecture de mes co-diaristes, je suis parti sur un autre sujet en oubliant ma morosité des heures précédentes.
 
En fait, je voulais vous épargner cette entrée peu enthousiaste et ne la mettre en ligne qu'ultérieurement, atténuée par quelque chose que j'espérais plus doux. Puis finalement tout s'est fait dans la même journée.
 
Bon, je ne sais pas bien pourquoi je vous raconte ma cuisine interne...

 


A suivre
 
 

Dimanche 13 janvier 2002

 

Quelques jours un peu déconnectés de ce monde virtuel. Un peu, parce que je ne passe pas un jour sans aller y faire mon tour: écrire ou recevoir des messages, lire les forums, lire les diaristes... au minimum une heure ou deux.
 
Mais je me suis pris aussi du temps pour faire autre chose. Dehors pour profiter de ce soleil qui brille depuis le début du mois, même si le thermomètre reste en dessous du zéro à l'ombre: couper quelques broussailles, débiter du bois, brûler des herbes sêches... rêvasser le nez au vent. Dedans en bricolant un peu dans la maison. J'en avais perdu le goût depuis pas mal de temps, trop accaparé par cette réflexion sur moi-même que je fais en grande partie avec l'écrit.
 
Du coup, des pistes de réflexion me sont apparues et il est temps de les noter pour les inscrire dans ma pensée.
 
J'aurais voulu commenter les réflexions de quelques diaristes ces jours-ci, mais je n'en ai pas eu le courage... Il y aurait tant de choses à approfondir avec les uns ou les autres, mais ce temps qui ne ralentit jamais sa course ne me laisse pas le choix: c'est tout de suite ou jamais. Hélas, parfois j'opte pour le jamais, à regret.
 
 
 
Bon, quelles sont ces réflexions que je me suis faites?
 
C'est, comme bien souvent, une suite d'évènements qui, en s'enchaînant me font aboutir un jour à une sorte de lucidité illuminatoire.
 
Tout a commencé il y a un an, sur ce forum dont j'ai souvent parlé. Il s'est trouvé que sur un certain nombre de sujet j'ai été totalement incompris. Malgré toutes les précisions que j'ai apportées, rien n'a pu changer l'opinion trés défavorables que certaines personnes se sont faites sur moi. J'ai encaissé le coup très difficilement et surtout, je n'ai absolument pas compris cette erreur d'interprétation.
 
Assez perturbant de constater que les mots que l'on dit sont compris dans un autre sens. Comme si on ne parlait pas la même langue.
 

Pourtant, certaines personnes ont su voir que je n'étais pas comme l'horrible personnage que d'autres décrivaient.

 
Depuis, j'ai passé beaucoup de temps a réfléchir à cette situation, à en discuter avec ceux qui en avaient été témoins. J'ai observé avec attention comment se conjuguaient les rapports humains, sur internet ou dans la vie de tous les jours. J'ai tenté de voir pourquoi et comment l'incompréhension s'installait parfois.
 
D'étapes en étapes je cernais mieux les situations à problème, les raisons des blocages qui se créaient dans les groupes.
 
Des bribes dont je ne parvenais pourtant pas à tirer des règles bien tangibles.
 
Puis il y a eu cette incompréhension avec ma mère, qui m'a fortement secoué. Un début de lucidité. Et mon refus d'accepter ce qu'elle voulait reporter sur moi, afin de s'en décharger.
 
Et enfin très récemment un évènement marquant qui a servi de déclencheur. Je me suis exprimé sur le "forum maudit", avec une certaine assurance en donnant ma vision de l'avenir de ce forum qui me semble bien compromis sous sa forme actuelle. Mon idée se voulait constructive, pour le bien de tous ses participants. J'étais plutôt satisfait de moi, solide. J'espérais un sursaut des membres, puisque ce forum meurt de trop de liberté (celle de tout laisser dire est fatale).
 
La surprise est venue d'une personne en qui j'avais une grande confiance: elle a dit ce qu'elle pensait sans ménagement, et ce n'était pas vraiment dans le même sens que ce que j'avais exprimé. De sentir cette désolidarisation m'a complètement miné, j'ai eu l'impression d'avoir été trahi, lâché, abandonné.
 
Il m'a fallu puiser dans la confiance que j'avais en elle pour me persuader que ses mots n'étaient pas dirigés contre moi. Le silence des autres, excepté un message plutôt négatif à achevé de me casser le moral. Ainsi personne ne suivait..
 
C'est depuis cette déception que j'ai pris une certaine distance avec le monde virtuel. A mon avis, elle est salutaire. Je croyais beaucoup trop en une utopie de dialogue.
 
Mais ça ne s'arrête pas là. Parce que j'ai voulu dire ma surprise à celle qui m'avait "abandonné". Elle m'a répondu qu'elle avait préféré la formule du message public plutôt que le message privé, afin de me faire réagir, et éclaircir mon propos.
 
Elle m'a demandé aussi d'excuser cette façon de faire, qui ne laissait pas place au "copinage" mais qui à ses yeux était plus sincère. Tout en acceptant le principe, j'ai pris immédiatement consience que c'était à moi de gérer mon malaise. Si je me sens rejeté, si ça me démolit le moral, je ne peux en faire grief à personne. C'est à moi de gérer mes doutes sur moi-même.
 
Pas facile...
 
Heureusement que je doute moins de moi et que j'ai osé la démarche de lui dire mon trouble. Ses explications m'ont permis de reprendre de l'assurance.
 
 
La dernière étape de la lucidité s'est faite ce matin, en discutant avec Charlotte. Je donnais à mon fils quelques explications sur le principe de l'homéopathie. Et je spécifiais que le principe est fondé sur quelques règles à priori illogiques. La partie cartésienne de mon esprit à du mal à se satisfaire de cette absence d'explication claires.
 
Or une fois de plus Charlotte à cru que j'étais réfractaire à cette forme de médecine.
 
De dire «le principe est illogique» était interprété comme «donc je ne crois pas à son efficacité». Effectivement, je ne l'avais pas spécifié... parce que je ne parlais que du principe.
 
Au bout d'un moment passé a raccorder nos paroles et nos écoutes, nous nous sommes compris.
 
Mais j'ai aussi compris tout d'un coup beaucoup d'incompréhensions de dialogues, et notamment ce qui s'est passé sur le forum maudit.
 
Voila comment je fonctionne: je suis quelqu'un qui a beaucoup de doutes et peu de certitudes. Je suis assez curieux et aime bien comprendre comment fonctionnent les choses. Et tout ce qui est affaire d'opinion m'intéresse pareillement.
 
Mais si on peut comprendre comment fonctionne une machine, régie par des lois physiques que personne ne conteste, il est plus délicat d'être certain d'une explication controversée. A fortiori d'être certain d'une opinion.
 
Je suis donc toujours en position instable, m'informant comme je peux et susceptible de changer si une idée me convainc plus qu'une autre. J'ai donc, au mieux, une opinion provisoire, et bien souvent aucune opinion, ou une double opinion.
 
Or, afin d'éclaicrir mes opinions, lorsque je dialogue avec une personne qui défend un coté, je prends souvent le contrepied. Pas du tout par esprit de contradiction, mais parce que je crois qu'on a plus a apprendre de nos contradicteurs que de nos semblables.
 
C'est ce qui s'est passé sur le forum maudit lorsque je me suis trouvé face à un certain courant d'idée. Je le partageais en grande partie, mais une autre part de moi s'interrogeait sur les idées opposées. J'ai donc fait part de mes interrogations sur ces idées opposées.
 
Et c'est là que tout le processus de rejet s'est enclenché.
 
Et c'est un peu la même chose qui s'est passée ce matin avec Charlotte.
 
Le problème vient donc d'une inadéquation entre ce que je dis et ce qui est entendu. Et comme je crois que c'est à celui qui s'exprime de chercher à être compris, c'est à moi de trouver là où ça coince.
 
Qu'est-ce qui peut faire que Charlotte me trouve parfois trop sûr de moi, cassant, n'écoutant pas l'autre? Qu'est-ce qui a pu faire que sur ce forum maudit on m'ait trouvé arrogant, prétentieux, hypocrite, donneur de leçons,... (liste réduite)? Qu'est-ce qui a pu faire qu'on ne croie pas mes dénégations, mes tentatives d'explication?
 
Je crois l'avoir un peu compris ce matin: c'est la formulation qui ne va pas. Je ne pense pas assez à dire «je suis d'acccord avec toi» avant d'aller vers un «cependant...» suivi de l'argument inverse.
 
Mais je ne suis pas certains que cette précaution soit suffisante.
 
Le problème ne vient-il pas de ce doute permanent qui est en moi? Doute qui fait que je bien souvent je ne PEUX PAS me déterminer. Je vois trop les deux cotés (au moins) d'un même problème. Et en particulier sur les problèmes sociologiques dans le sens le plus large, humains ou politiques, à quelque échelle que ce soit. Alors que la généralisation et les idées toutes faites sont bien fréquemment une règle, ce doute est souvent mal compris.
 
Et mon problème est le suivant: comment être sûr de moi si je ne suis pas sûr de mes opinions?
 
Ce qu'il faut que j'apprenne à faire, c'est à donner systématiquement les deux cotés de ce que je pense. Sinon il y a un gros risque d'être perçu comme étant "contre" celui qui s'exprime.
 
 
Viendra quand même le moment où je me retrouverais en train de défendre l'opinion adverse... et je crains fort que le bocage réapparaisse à ce moment là...
 
L'incertitude est inconfortable, mais en plus elle dérange.
 
 
 
Heureusement que dans le domaine du ressenti et de l'émotionnel il n'y a pas d'opinion qui compte.
 
Peut-être que c'est pour cette raison qu'il y a des gens qui n'aiment pas l'étalage de l'intime? Ils ne peuvent pas donner leur opinion, ils n'ont pas prise. Ils ne peuvent pas avoir de certitudes.
 
La capacité à se remettre en question ne nécessite-t-elle pas au préalable le doute sur soi?
 

 

* * *
 

 

Je ne sais pas si j'ai bien avancé là, mais je suis sûr que la lecture n'aura pas été simple... Je ne sais même plus où je voulais en venir.
 
Lucidité? Tu parles!!!
 
Ce sont des ébauches de pensée qui auront besoin d'être reprises pour devenir plus abouties. C'est ça aussi un journal intime en ligne. Beaucoup de tâtonnements. A suivre...
 
 


Maximalisme
 
 

Lundi 14 janvier 2002

Ecrire pour soi, ce qu'est le principe d'un journal intime, ne s'accorde pas toujours avec une écriture publique, comme ici.
 
Hier j'ai tenté de comprendre ce qui émergeait de mes récentes expériences de communication. Je me suis donc laissé aller à une écriture libre. Mais simultanément, je savais que je serais lu, je devais donc m'efforcer de préciser un peu mon propos. Et finalement, je crois que je ai été confus pour ceux qui me lisent, et peu efficace dans mon auto-écoute.
 
Il aurait fallu que je me lance dans un développement beaucoup plus conséquent pour être clair, mais je dois bien avouer que ça ne me tentait pas vraiment. Je ne suis pas là pour me justifier ou faire un mémoire sur la complexité des relations dialoguées (ou écrites).
 
Disons que j'ai exposé succinctement les bases de la réflexion qui pourrait s'étoffer dans les jours ou semaines à venir.
 
* * *
 
Comme bien souvent, on peut trouver chez les autres diaristes des éléments de réflexion qui approchent ceux que l'on peut avoir. Avant-hier (12 janvier), Eva faisait une entrée intéressante sur la différence de perception qui peut exister entre ce qu'on se sent être et ce que l'entourage comprend.
 
Pas très éloigné de ça, Ophélie s'interroge sur notre "face cachée", celle que nous ne connaissons pas vraiment de nous et qui réapparaît, pas forcément quand on l'attend. C'est un peu ce qui m'arrive lorsque je me sens fort un jour, puis que je me vois terrassé pour un petit quelque chose qui me montre ma terrible vulnérabilité.
 
On ne se connaît jamais vraiment.
 
A ce propos, Ophélie, n'aie pas d'inquiétude: si une part des relations virtuelles me déçoit (le coté public des groupes), je reste toujours aussi enthousiaste en ce qui concerne les relations privées.
 
(Tiens, je crois que c'est la première fois que je m'adresse à quelqu'un directement par ce journal. Il faut dire qu'Ophélie m'y invitait en s'adressant à moi.
 
D'ailleurs, bien souvent je m'adresse plus ou moins consciemment aux personnes qui me lisent et que j'identifie. Hier, par exemple, je savais bien que des participantes du forum pouvaient me lire...)
 
 

* * *

 
Quelques heures plus tard...
 
J'ai discuté avec Charlotte en fin d'après-midi. Ça nous arrive souvent de passer un bon moment à discuter, quand elle n'est pas au travail et que de mon coté je ne suis pas trop bousculé. Nos emplois du temps nous permettent ces échanges à n'importe quelle heure de la journée.
 
En parlant de mes fréquents hauts/bas, elle m'a rappelé ma tendance à être maximaliste: me plonger entièrement dans le sujet qui me préoccupe. Que ce soit pour le travail, une passion éphémère, un bouquin... ou les relations virtuelles.
 
Et dans ces relations, puisque c'est le sujet qui me préoccupe, je passe alternativement des périodes "forumesques" aux introspections dans ce journal ou a des échanges soutenus via mail. Mais j'ai rarement (jamais?) deux pôles d'intérêt simultanément. Lorsque je n'écris pas trop ici, ou de façon un peu désordonnée, vous pouvez en déduire que je suis occupé ailleurs. Inversement, lorsque je suis en phase d'introspection suivie, il y a fort à parier que je suis muet ailleurs.
 
Mais ces micro-cycles (quelques jours) s'insèrent dans des cycles plus longs, plus lourds (plusieurs mois, voire années). Depuis quelques années le cycle "introspection de la quarantaine" bat son plein. J'y passe une énergie considérable. L'essentiel de ma pensée libre y est consacrée. Je sais bien que ça peut paraître démesuré.
 
C'est ma façon de fonctionner: à fond dans un sujet, et de façon assez exclusive.
 
Je précise quand même que je parle de mon temps "libre", c'est à dire hors travail et, surtout, hors vie familiale. Même si... euh... je dois bien avouer que cette préoccupation aurait vite tendance à grignoter un peu de temps sur le reste. Mais Charlotte veille et saurait me rappeler les limites...
 
Tout ça pour expliquer un peu mes changements assez rapide de mon état intérieur. Parce que si je me lance à fond dans un domaine, il devient très important. J'y suis donc largement inféodé. Je suis capable de m'exalter sur une discussion, une réflexion, un nouvel état d'être, puis me laisser porter par le coté grisant des avancées... et me retrouver en position de vulnérabilité extrême sans m'en rendre compte. Comme un montagnard qui escaladerait avec plaisir, et tout occupé à son ascension grisante en oublierait de s'assurer ou de faire des pauses.
 
Inévitablement vient un moment où je chute.
 
Une seule phrase peut infléchir ma course et la ralentir. Une désaprobation peut me faire douter, une critique peut briser net mon élan. Je me croyais fort et je mesure instantanément que je ne croyais qu'en un leurre.
 
Et ce, d'autant plus que la personne qui s'adresse à moi importe à mes yeux. Et il y en a de plus en plus...
 
Je me sentais solide, et je me découvre désarticulé comme un pantin. Mon enthousiasme et mon désir d'avancer, qui étaient ma source d'énergie, cessent. L'énergie s'éteint. Et je sombre dans un état de lassitude.
 
Pourtant, je ne baisse pas les bras. Jamais je n'ai eu envie de renoncer à cette découverte de moi-même. Le temps n'est pas encore venu de cesser la quête. Mais je me rends compte que chaque voie qui paraissait facile révèle peu à peu des difficultés. Il faut reprendre plus bas, contourner des obstacles, éviter des écueils repérés.
 
Alors je fais la pause un moment, le temps de réfléchir, de rassembler ce qui était valable, d'analyser et comprende ce qui était fausse piste.
 
C'est un peu ce que je vis en ce moment.
 
Reconstituer le puzzle avec les bons éléments et laisser de coté les mauvais.
 
 
* * *
 

 

Je voudrais dire quelques mots sur Charlotte et de la relation que j'ai avec elle. A la lecture de certains messages, je me rends compte qu'elle pourrait passer pour quelqu'un de moindre importance que ce qu'elle est pour moi.
 
Si je parle assez peu d'elle ce n'est pas qu'elle compte peu dans ma vie. C'est simplement que ce journal est celui de mon individualité. Dans le "travail" sur moi que je fais actuellement, c'est ma pensée que j'explore, mon système de fonctionnement que j'essaie de comprendre.
 
Et Charlotte a son individualité. Nous ne sommes une entité commune (couple) que partiellement dans nos vies respectives. Je ne raconte pas la vie de notre couple mais la mienne.
 
J'apprends justement à exister "seul", sans avoir besoin de sa présence rassurante à mes cotés. Longtemps pilier l'un pour l'autre, nous apprenons (surtout moi) à devenir partenaires, complices.
 
Je pense que ce coté "amis" est bien compris. Mais il semble qu'il y a des interrogations sur le coté "amants". Je crois qu'effectivement Charlotte est plus amie qu'amante. Amie bien particulière quand même. Mais si je devais choisir (supposition idiote), c'est... non, en allant l'écrire je me rends compte que le coté tendresse est indissociable de nos rapports. Peut-être que le coté sexuel serait celui dont je pourrais le moins difficilement me passer? Mais ni de la tendresse, du toucher, du baiser, ni de la complicité.
 
Comment se passer du délicieux moment où nous endormons ou éveillons dans les bras l'un de l'autre, lovés dans un grand noeud de jambes et de bras enlacés?
 
Nos gestes de tendresse sont fréquents. Une caresse sur la main, un bisou dans le cou, un baiser sur la bouche, un regard complice, une tape sur les fesses. Ou bien quelques mots doux, une petite attention gentille. A moins que ce ne soit une taquinerie, une plaisanterie, et du rire partagé.
 
Ce journal reflète très mal ces moments que nous passons, simplement bien ensemble. Repas en tête à tête, puisque les enfants sont à la cantine, petit café bu côte à côte dans des fauteuils ou nous nous assoupissons quelques minutes main dans la main. Notre quotidien est parsemé de ces moments partagés.
 
J'ignore de quelle façon les couples partagent leurs moments au bout de vingt ans de vie commune, mais je crois que notre bienveillante attention mutuelle nous convient à tous les deux.
 
Moi qui ai si souvent évoqué des "attirances extérieures", je crois que je devais préciser un peu les choses...
 
 
 
D'ailleurs, cette préoccupation n'est plus à l'ordre du jour depuis quelques temps déjà. Je me demande si les relations féminines que j'ai rencontrées sur internet (et que je m'amuse à rappeler pour taquiner Charlotte) n'ont pas répondu à cette envie de diversité qui m'attirait tant.
 
Certes, coté physique... c'est pas le pied! Mais ce coté là est devenu lointain. Je crois que je suis quand même plus un "émotionnel" qu'un "physique". Et si je découvre le coté physique de ma "mâlitude", j'en mesurerai peut-être vite les limites.
 
Il n'y a pas de hasard: si ce coté n'a jamais été primordial chez moi, c'est sans doute que ça ne correspondait pas à ma personnalité.
 
Ouais, en fait j'en sais rien...
 
A suivre!
 

 

 


Offrir l'intimité
 
 

Mercredi 16 janvier 2002

Je me souviens du temps ou j'allais sur un Chat et de l'agacement que je ressentais en recevant un grossier "asv?" comme préabule à une hypothétique discussion.
 
Pour ma part, ces éléments ne me venaient à l'esprit au sujet de mon interlocut...rice (ben oui, toujours) que fort tard dans la discussion, alors qu'un très bon contact s'était établi et qu'une certaine proximité d'idée nous était apparue. Bon, je dois bien avouer que le "s" de la formule ("age, sexe, ville", pour ceux qui l'ignoreraient) était quand même un élément prédominant... mais il était inutile de le demander puisque l'accord grammatical le précisait. L'âge venait au bout d'un moment, mais se devinait plus ou moins. La ville n'avait une importance que très relative, à moins d'envisager une rencontre ce qui était plutôt de nature à m'effrayer à l'époque.
 
Mais il y a une autre élément qui ne venait parfois qu'après des jours de discussion: le prénom. Comme si c'était donner l'accès à une part intime de soi, privée, alors même que les discussions étaient intimistes. Mais donner son prénom à quelque chose qui tient parfois du privilège. Comme quelque chose qu'on ne offrirait qu'à un petit nombre de proches.
 
Ce qui est amusant, c'est que plus le don du prénom tarde, plus sa révélation est quelque chose de... valeur, impressionnant. Il y a des personnes avec qui je dialogue depuis fort longtemps et cependant, nous ne connaissons pas notre prénom. Encore plus rares sont celles avec qui nous avons échangé nos patronymes. Un peu comme si on craignait je ne sais quelle menace venant du monde virtuel.
 
Pourtant, objectivement, je ne crains rien des personnes avec qui je correspond. Peut-être aussi est-ce simplement parce que connaître un pseudonyme est suffisant? Mais je crois qu'il y quelque chose de l'ordre de la protection de sa vie privée. On a beau ne parler que d'éléments très personnels, on se maintient une sorte de barrière infranchissable entre réel et virtuel.
 
Hier, une de mes plus anciennes correspondantes, et après plusieurs échanges de mails de préparation (tout un cérémonial de demande et d'accords!), m'a révélé son prénom, et même son nom. J'ai fait de même. Et bien, voyez-vous, j'ai pris ça comme une marque de grande confiance, et ce fut véritablement un cadeau.
 
Pourtant, dans la vie de tous les jours les prénoms sont partout. Je connais même les prénoms de mes clients, d'après les chèques, ainsi que leurs adresses. Mais dans le domaine particulier d'accès à l'intime direct, c'est l'inverse: on dévoile ses pensées profondes, mais on garde secrète son identité.
 
Comme si on avait toujours besoin de maintenir une partie de soi inaccessible sans confiance. Ce sera l'intime pour le coté public des gens, et ce sera la part publique lorsqu'on est dans l'intime.
 
Depuis que je sais le prénom de cette correspondante, depuis que nous nous sommes décidés à nous donner accès à une part privée de nous (pourtant minime), j'ai l'impression que quelque chose a changé. C'est comme si elle m'avait invité chez elle. J'ai l'impression de découvrir une nouvelle personne. Par ce tout petit bout de nous que nous nous sommes mutuellement offert, nous nous sommes davantage rapprochés.
 
Et j'en suis très heureux.
 


Je joue le je
 
 

Vendredi 18 janvier 2002

Quand j'étais petit, on m'avait appris à l'école primaire qu'une rédaction ne devait jamais commencer par "Je". Ça faisait trop prétentieux, comme si on se plaçait avant tout le reste.
 
Pourtant, ça m'avait semblé être la plus naturelle façon de m'exprimer. Dire ce que je pense.
 
Depuis, j'ai appris que des auteurs préféraient parler d'eux à la troisième personne, ou même avec un "nous" donnant l'apparence illusoire de faire partie d'un groupe, plutôt que de dire cet indécent "je".
 
Pourquoi ce qui est "je" est-il aussi mal perçu?
 
C'est en discutant avec ma mère (qui est passée me voir afin de régler notre différent) que je me suis rendu compte comme tout ce qui est expression de notre personnalité est mal accepté.
 
Elle qui est une personne sensible, émotive, à l'écoute des autres, ne parvient pas à bien comprendre la recherche que je fais sur moi. J'ai beau lui expliquer qu'un travail analytique nous (me!) permet de nous (me!) connaître, de savoir quelles sont les situations sources de malaise, d'anxiété, de stress. J'ai beau lui dire que je me sens infiniment mieux depuis que j'ai découvert ce qui, dans le passé, avait fait ce que je suis devenu. J'ai beau lui prouver qu'en me connaissant je parviens à éviter de reproduire avec mes enfants des attitudes destructurantes, à éviter de reporter sur les autres mes propres angoisses... elle montre une certaine réticence.
 
Et en fond, je sens bien cette idée, qui était apparue lorsque je lui avait parlé la première fois de ma psychothérapie: il ne faut pas trop s'écouter. Il ne faut pas chercher à tout comprendre.
 
Et pourtant, combien elle a souffert de n'avoir pas fait ce travail sur elle-même! Elle le sent bien, elle le devine, le subodore... mais c'est "pas bien" de trop s'écouter.
 
Dans un autre domaine, on sait comme le genre littéraire de l'autobiographie est décrié, voire méprisé. Comme si la fiction était préférable au vécu. Sauf si le vécu est carrément romanesque, mais alors on est plus dans le registe des faits que de l'intime.
 
L'intime. Encore un mot qui déclenche des réactions souvent hostiles. L'intime est fait pour rester caché! On le voit bien avec la réaction étonnée que peuvent susciter nos journaux. Déjà un journal papier, c'est un peu limite: un truc pour adolescentes sentimentales qui ne devrait pas durer au delà de quelques années. C'est quelque chose qui est perçu comme une faiblesse (donc féminin - relents machistes), puéril, et toléré à ces seuls titres. Mais en tant qu'adulte, avouer qu'on tient un journal intime paraîtrait déplacé. Encore davantage si on est un homme.
 
Que dire alors de ces dingues que nous sommes qui, non contents de tenir un journal, ont en plus le mauvais goût de l'exposer au regard des autres. Exhibitionnisme, nombrilisme, voyeurisme... les mots sont immédiatement jetés. C'est indécent! Impudique.
 
Impudique, ce mot revient encore lorsque récemment, sur le forum d'un magazine certains se sont laissés aller à la description de quelques impressions vaguement émotionnelles sur des promenades en forêt ou le plaisir à jouer avec ses enfants. «Ce n'est pas la place pour ce genre de confidences», «ça n'intéresse personne», «on s'en fout de ta vie...»
 
Et paf, un coup sur le bec de l'audacieux impudent!
 
En général, ça suffit à calmer les ardeurs de celui qui s'était laissé aller à un brin de sentimentalité. Oui, parce que les sentimentaux ont le gros défaut d'être sensibles, voire hypersensibles. Et ça, il y a des gens qui n'aiment pas du tout. Normal: les sentimentaux sont des gens qui ne savent pas maitriser leurs émotions. Ça déborde, ça derange, c'est faible.
 
J'avais depuis bien longtemps compris ces règles. Et donc, je me taisais puisque ce que j'avais à dire était bien souvent dans le registre du ressenti et de l'émotionnel.
 
Or... depuis quelques années j'apprends à exprimer de plus en plus ce que je ressens. J'apprends à dire "je".
 
Et depuis que je sais un peux mieux m'écouter, sans essayer de me fondre dans un moule qui ne me convient pas, je remarque que le "je" est un sésame vers la liberté.
 
Dans toutes les relations humaines le "je", et l'écoute des autres "je", me paraît être la solution à bien des conflits.
 
Au contraire le "tu" est un piège qui enferme et ne devrait être utilisé que dans une idée d'écoute.
 
Le "je" est l'expression d'un désir pour soi, le "tu" ou le "il" sont les désirs que l'on formule pour les autres. «Je voudrais faire ça», «tu devrais faire ça».
 
Il est bien plus facile de refuser l'expression de ces "je", qu'on ne comprend pas toujours, qu'on accepte pas, qui nous dérangent. Or si on écoute ces "je", en exprimant nous-mêmes nos "je", le dialogue est bien différent qu'avec des "tu" accusateurs, qui rejettent.
 
Jacques Salomé appelle ça "la relation klaxon" (tu tu tu).
 
Depuis que je dis le "je" affirmatif, non seulement j'ai appris à m'écouter, à me laisser aller à suivre mes désirs, mais en plus j'ai renforcé ma personnalité face aux autres.
 
Depuis que j'exprime ce que je suis, que je dis mes ressentis, mes émotions, que je revendique même cette sensibilité, je me sens infiniment mieux. Mes seules souffrances ou frustrations apparaissent lorsque je ne peux pas exprimer ce "je", ou qu'on me refuse cette expression.
 
Je crois que c'est pour cette raison que je me suis autant investi dans ce journal, qui est un fantastique lieu d'expression libre.
 
Plus je dis "je" plus je vis.
 
Egoïsme en vue? Pas du tout. Dire "je" n'est pas ne penser qu'a soin avant les autres. Dire "je" c'est penser aussi à soi, et pas après les autres.
 
Si je m'exprime, je dis mes désirs. Mais j'attends aussi de l'autre qu'il dise les siens. Et c'est parfois là qu'un rééquilibrage se produit, lorsque l'autre à l'habitude d'exprimer ses attentes sans contradiction. Il faut apprendre à partager le "je".
 
(je fais exprès de mettre des je partout...)
 
J'espère que vous excuserez mon style assez brouillon. Je préfère souvent écrire sous cette forme plutôt que d'élaborer un texte. J'écris un peu dans l'urgence, avant que la lucidité ne s'évapore. Trop souvent, lorsque je ne peux écrire immédiatement, je perds une partie du fil de mes idées. Ou même je les ai "oubliées", rangées dans un coin d'où elles ne ressortiront que plus tard
 
 
 
* * *
 
Autre sujet, récurrent: la séduction. L'incrédule a écrit dans ses commérages du jour quelque chose qui m'a beaucoup intéressé. Elle est en train d'aborder une relation sous le signe de la liberté mutuelle de chacun. Assez éloigné de l'image traditionnelle du couple, coincé dans une relation unique plus ou moins fusionnelle.
 
Bon, vous qui me lisez savez que je me pose pas mal de questions à ce sujet. Le problème étant que je me suis "engagé" avec Charlotte il y a vingt ans et que je ne peux pas modifier le contrat initial tacitement conclu. Je ne sais pas comment cela évoluera pour moi, mais je crains de devoir me satisfaire d'une évolution de mes idées, sans pouvoir les mettre en pratique...
 
D'ailleurs, pour le moment, j'ai cessé tout jeu de séduction (bah... ou alors j'en reste à un niveau tout à fait discret). Je n'ai pas renoncé à ce qui peut m'attirer, mais il semble que pour le moment les échanges approfondis avec quelques correspondantes comblent ma soif de diversité.
 
L'incrédule, avec sa liberté de célibataire, a toute latitude pour établir des relations sous la forme qui lui convient et celle qui convient à son partenaire. Ce qu'elle dit à propos d'un dialogue très sincère sur les attentes respectives de chacun m'a semblé être l'optimum de ce qu'on pouvait faire pour établir les bases d'une relation libre et saine. Chacun donnant ses attentes et étant à l'écoute de l'autre. Sans tabous, sans non-dits.
 
C'est ce que j'aimerais faire, si le cas se présentait à moi maintenant.
 
* * *
 
A propos de sincérité, je ne sais pas si ça vous fait ça, mais lorsque les circonstances font qu'un élan de sincérité partagée se produit avec quelqu'un, je ressens un sentiment ineffable de pur bien être. Quelque chose qui ressemble fort au bonheur.
 
C'est rare, fugace, mais intensément bienfaisant. Une impression de parfaite osmose.
 
Je crois que c'est la sensation d'être absolument accepté à cet instant précis, un peu comme si on avait rencontré un autre soi.
 
J'adore ces moments.
 
* * *
 
Hier soir je suis allé me plonger un peu dans les profondeurs oubliées de l'histoire du diarisme en ligne. J'ai retrouvé des messages écrits il y a 3 ans. Bien vieux, tout ça! Beaucoup de noms ont disparu (ou ont changé?), mais certains sont toujours là.
 
Je me demande parfois comment évoluera notre pratique dans les années futures. Il y aura certainement une multiplication des sites, peut-être des scissions de communautés selon les tendances de chacun (degré d'intimité, ou âge, par exemple). Il y aura des anciens qui auront connu les débuts, des nouveaux qui auront l'impression de découvrir... ce que d'autres avaient découvert bien avant eux. Je sais que c'est mon cas, en lisant justement ces anciens diaristes.
 
Je crois que les premiers diaristes francophones on-ze-web datent de 1996. Ça ne fait pas bien longtemps, et pourtant c'est déjà si vieux. La préhistoire, vu l'accélération du temps sur internet.
 
Si on devait compter les journaux morts, ça serait sans doute une sacrée hécatombe.
 
Voila, c'était la minute historique. Je ne sais pas pourquoi, mais je me suis toujours intéressé à "notre" pratique depuis que je sais qu'elle existe. Peut-être pour comprendre pourquoi des gens aussi habituellement discrets que je le suis ont un jour l'idée folle de raconter leur vie à des inconnus?


 
Banzaî!!!
 
 

Dimanche 20 janvier 2002

Il me semble que depuis quelques jours se produit un changement en moi. C'est sans doute le résultat de ces mois d'introspection ici, complétant en les affinant des années de réflexion.
 
Introspection qui me permet de me connaître et changer peu à peu. Notamment avec cette écoute de moi que j'évoquais dans ma dernière entrée.
 
Changement qui s'est cristallisé récemment, avec la coupure d'un reste de lien maternel obsolète, puis la perte des illusions que j'avais sur une part de l'humain. Mes frictions forumesques y ont joué un grand rôle.
 
Conséquence: je me sens plus libre. J'ose davantage être moi et j'attends moins un regard approbateur des autres (oui, je sais que c'était illusoire...)
 
J'ai abandonné (provisoirement?) ma participation au forum que j'avais initié. Je m'investis dans un autre, plus vaste, plus ouvert, avec cependant une crainte du jugement bien moindre. Je m'y montre de plus en plus comme je me sens être, et tant pis si ça ne plaît pas et que je me fais critiquer. Je m'assume tel que je suis et affirme mes convictions.
 
Ce journal...
 
Il se pourrait qu'il change peu à peu. Je sens que je vais doucement me désengager de l'introspection publique approfondie. Aller un peu plus vers des résultats de mes réflexions plutôt que d'exposer ces réflexions à leur stade initial.
 
Aller aussi, probablement, vers quelque chose qui tendrait plus à l'opinion qu'à l'intime (bien que toute opinion ait quelque chose d'intime). Et mes opinions ne sont jamais séparées du coté émotionnel. Oh, je ne cesserai pas de m'exprimer sur mes questionnements, mais peut-être attendrais-je de les voir plus aboutis avant d'en faire mention.
 
Finalement, c'est extrêment fatiguant de se livrer à une introspection permanente. Je brûle beaucoup trop d'énergie là dedans. Ce fût nécessaire pour progresser rapidement, mais ça le devient moins désormais. Je crois que je vais prendre un rythme de croisière plus modéré.
 
Je pense que j'ai acquis une confiance en moi qui commence à montrer ses résultats. Je m'affirme davantage.
 
La preuve, ma proposition concernant la réactivation du Jmag que j'ai laissée sur le forum de la CEV. Il y a quelques semaines encore, voyant à la fois le peu de réactions des diaristes et le ton plutôt hostile des rares qui se sont exprimés, je me serais senti très mal. Ç'aurait été un mélange de sentiment de rejet ("mon" idée n'intéresse pas, donc je n'intéresse pas), de rejet (on m'associe à son fondateur, qui n'était pas apprécié de tous), et de rejet (on ne va pas m'apprécier parce que je mets les pieds dans le plat). Un gros malaise aurait suivi, et une montagne de doutes sur moi même m'aurait envahi.
 
Là, pas du tout (enfin presque pas...). Je reste détaché des critiques qui sont faites, que je trouve par ailleurs souvent infondées. Je ne persisterai d'ailleurs pas longtemps à défendre ce projet devant des gens qui n'y croient pas.
 
Et encore mieux: j'en parle dans ce journal, qui sera peut-être lu par des personnes qui n'apprécient pas forcément mon initiative. Et franchement, mais alors franchement: je m'en fiche!
 
Personnellement j'ai toujours été intéressé par la pratique du diarisme en ligne (c'est d'ailleurs en sous titre de ma page d'accueil). J'appréciais le Jmag, quelle que soit la personnalité de son initiateur, et je trouvais que c'était un excellent outil de réflexion. Je ne vais donc pas mettre mes idées dans ma poche parce que certaines personnes confondent un individu et un groupe de personnalités diverses.
 
J'ai quand même envie de dire que je suis déçu du peu d'enthousiasme (euphémisme) manifesté par les diaristes. Même si je sais bien que ça n'interèsse pas tout le monde...
 
J'espère qu'il y en a quand même quelques uns parmi nous, en plus de ceux qui sont déjà connus pour ça, qui s'intéressent un peu à cette pratique de l'écriture en ligne... Et que si ils ne se manifestent pas pour participer, au moins ils liront les hypothétiques numéros à venir du Jmag
 
Avant, j'aurais évité ce genre de phrases, cherchant à ne surtout pas faire de vagues. Mais maintenant, j'exprime ce que je ressens. Et tant pis si ça devait déplaire (je ne vois pas bien pourquoi ce serait le cas, d'ailleurs...)
 
Et puis peut-être que ça peut informer ceux qui ne lisent pas le forum de la CEV?
 
 
* * *
 
 
Vu chez mes collègues diaristes, ces jours-ci.
 
Laqk, qui craint qu'à trop parler de ses malheurs, il ne décourage ses lecteurs (mais non Laqk!). Il a des doutes sur le bien fondé de son écriture. Il s'interroge aussi sur sa place au milieu des autres, coté relationnel.
 
Darnziak, qui, comme a son habitude, a écrit un texte ("mots d'ordre") très développé commençant par "je suis comme je suis". Il aborde d'une façon similaire à ce que j'écrivais dans ma dernière entrée, la volonté de dire "je", agir pour soi, penser à soi. Une réflexion qui est étonnamment proche de celle que j'aurais pu avoir. Tout au long de son texte je me disais que j'aurais pu écrire quasiment les mêmes choses.
 
C'est en suivant un des liens qu'il indiquait que je suis arrivé sur un journal inconnu, nouveau, mais qui m'a fait fort bonne impression: "Les idées bigarrées de Mandaline". Déja plusieurs entrées avec une réflexion intéressante.
 
Une remarque, en passant: lorsque je découvre un/une diariste inconnu(e), il me faut toujours un certain temps pour "entrer" dans son monde. Au départ ce sont des réflexions, une manière de voir le monde ou d'écrire qui me plaisent. Mais c'est quelque chose de "froid" . Ce n'est qu'au fil du temps que je m'attache à la personnalité, auparavant inconnue, et que j'ai envie de la suivre. Pour cette raison, je préfère découvrir les diaristes à leurs débuts plutôt que d'arriver un jour au beau milieu d'une vie qui se raconte depuis un moment déjà.
 
 
* * *
 

 

En quelques mots je disais à Charlotte ce que j'avais écrit ici. Lui expliquant que désormais je n'ai plus envie de m'empêcher d'agir comme je le sens, j'ai dit: «maintenant je fonce, Banzaï!»
 
Terme qui m'a paru assez significatif pour titrer ma chronique du jour.
 
Putain (oups!) mais j'ai une de ces pêches en ce moment , moi! Ça me donne une hargne d'être moi-même.

 

 


 
Réflexions au fil du temps
 
 

Vendredi 25 janvier 2002

 
 
Hey! Mais ça fait un moment que je n'ai pas écrit!
 
Ouais, en fait je le savais bien... Mais j'avais la tête occupée ailleurs. Tellement occupée qu'il m'est arrivé d'oublier ce journal. Je trouve que c'est bon signe, je n'ai plus "besoin" d'écrire autant qu'auparavant.
 
En fait, je n'en finis pas de changer intérieurement. C'est incroyable comme ces mois de réflexion aboutissent d'un coup à un changement aussi rapide.
 
En ce moment je passe beaucoup de temps sur un forum de discussion, nettement plus enrichissant que celui dont j'ai souvent parlé. J'ose dire mon opinion, m'exprimer "en public", sans trop douter de moi (sans cette peur de dire des bêtises). Il s'agit du forum d'un hebdo français... mais je ne dirais pas lequel. Je préfère fractionner mes identités pseudonymiques.
 
J'ai remarqué que souvent j'alternais périodes d'introspection (ici et par mail) et périodes plus engagées dans des reflexions... disons "sociologiques" (communication, relations humaines au sens le plus large). Je fais rarement les deux simultanément. Mais en fait il s'agit toujours de communication, ces fameuses "relations virtuelles" que j'ai choisi d'explorer en débutant ce journal.
 
D'ailleurs, peut-être que le moment approche d'une certaine modification de ce journal. Le contenu change, me semble-t-il. Je me sens bien loin de mes débuts. Si je relisais mon texte introductif, je crois qu'il me paraîtrait obsolète.
 
Je ne suis pas sûr de poursuivre dans cette intimité impudique que je dévoile ici. Je me souviens avec honte de certains passages...
 
J'ai honte aussi de ce "texte annexe" que j'ai mis en ligne et que je n'ose même pas relire tellement il me semble pompeux et sans aucune originalité. Il se pourrait bien qu'il disparaisse...
 
Bref: j'ai changé et il y a de petites choses à revoir pour rendre ce journal plus conforme à celui que je suis devenu. La décision de le commencer approche les deux ans (faux départ, mais départ quand même). Je ne pensais pas que cela eût pu durer aussi longtemps.
 
 

* * *

 

 

Je ne sais pas si c'est une conséquence des avancements que je fais en ce moment, mais je suis fatigué, fatigué...
 
Et, le nez devant mon écran, je m'endors très vite le soir, réduisant d'autant les moments que je pouvais passer à communiquer.
 
 

 
 
Expérience inédite
 
 

Lundi 28 janvier 2002

 
 
Nouvelle expérience de relations virtuelles, dimanche soir. Premier Chat avec des diaristes et deux lectrices, au sujet du nouveau magazine que nous essayons de mettre en place.
 
C'est marrant de se trouver en direct avec des gens qu'on "connaît" depuis des mois au travers de leurs écrits, ou avec qui on correspond par mail. J'aurais certainement été gêné de discuter en privé avec chacune de ces personnes connues, mais là, dans un groupe, ça ne me posait aucun problème.
 
Je crois même que j'ai été bavard...
 
Peut-être trop bavard? En fait, je me sentais vraiment à l'aise au milieu de tous. Sans doute parce que nous avions tous le même but, et que je tiens particulièrement à ce projet. J'ai toujours regretté la disparition du Jmag.
 
Peut-être que je me sentais à l'aise aussi parce que je fais partie de ceux qui ont relancé l'idée... J'étais content de voir que ce projet était suivi.
 
Je me suis demandé comment je parlerais ici de ce Chat, parce que je sais qu'une partie des participants va me lire. Or nous n'avons peut-être pas perçu les choses de la même façon. Un peu comme lorsque je raconte mes rencontres avec des lectrices en sachant qu'elles me liront ensuite.
 
Le diariste est généralement seul a avoir vécu quelque chose et le raconte tel qu'il le ressent. C'est sa vérité, et personne ne peut la constester. Mais dès que d'autres ont vécu le même évènement, le lecteur peut se dire " ah non, je ne l'ai pas du tout ressenti de cette façon". Il y a autant de vérités que de participants.
 
En fait, on se retrouve pratiquement dans le contexte habituel des relations sensorielles. Certes, on ne se voit toujours pas, mais on est quand même très près de la réalité. Le virtuel ne veut plus rien dire.
 
Je dois presque faire un effort pour me dire que cette petite réunion que nous avons eu hier soir n'était pas "réelle".
 

 

* * *
 

 

Une des personnes présentes m'a dit être une de mes lectrices depuis un an (bonjour m_). Elle semble faire partie de ces yeux muets qui m'observent sans un mot, jour après jour. Ces personnes que je sais exister mais dont je ne connais rien. Combien sont-ils ces lecteurs réguliers qui ne se manifestent pas? Combien êtes vous? (je me rends compte que je m'exprime comme s'ils n'existaient pas -oups: comme si vous n'existiez pas-).
 
C'est comme ces personnes dont je parle à la troisième personne, oui, vous les connus, sachant très bien que vous me lirez.
 
Je ne vous cite pas, parce que ça concerne autant ma vie privée que la votre. Nous correspondons, mais ça reste entre nous. Même si nos journaux sont publics, cela n'empêche pas que nous avons une vie privée sur internet.
 
C'est marrant quand on y pense: dévoiler sur internet sa vie privée réelle, mais cacher sa vie privée virtuelle (qui pourtant n'a rien de coquin!). Paradoxes de l'écriture en ligne.
 

 

* * *
 
A part ça...
 
Et bien le froid est parti en quelques jours et la douceur printanière est surprenante. Les oiseaux se mettent à chanter et les premières fleurs apparaissent, alors que le sol est encore gelé en profondeur.
 
Mon travail reprend a fort régime (j'ai pas envieeee!).
 
Je continue mes débats sur forum, mais je sens qu'il va falloir réduire. Je ne réponds toujours pas aux mails en attente, parce que ma tête n'est pas à ça en ce moment (j'en suis désolé...).
 


Mon jovial voisin
 
 

Mercredi 30 janvier 2002

 
 
Que fait un diariste en ligne quand il n'a rien à écrire? Il se tait ou alors il maintient le contact?
 
Je viens ici un peu par habitude, mais honnêtement je ne ressens plus ce "besoin" de m'exprimer. Je ne m'inquiète pas car je suppose que c'est une période transitoire, comme j'en ai déjà connues.
 
Vais-je virer au factuel? Hmouais, je peux le faire de temps en temps, pour donner un autre aspect de moi.
 
Pour ne pas changer, je me suis laissé aller sur le forum du journal xxx à défendre des choses comme le refus de l'agressivité, le respect de l'autre, la tolérance. Ouais, ce sont des sujets qui me tiennent à coeur. Inutile de vous dire que ça ne plaît pas à tout le monde! Rien que le terme de "valeurs" veut déjà tout dire: passéiste, tendance réac, etc... je commence à avoir l'habitude.
 
Même sur le forum de la CEV, je me fais brancher parce que je me suis laissé aller a défendre quelques valeurs de respect mutuel dans le couple... Du respect? Hé l'aut'? Zy va! C'est quoi ces trucs de vieux?
 
Bon, c'est vrai que j'ai fait une connerie en répondant naïvement à une question intéressante de Damélie: un forum n'est pas le lieu où on peut parler de choses un tant soit peu personnelles. Ou alors en restant vraiment superficiel (donc ça ne sert à rien).
 
J'apprends. Tous les jours j'apprends ce qu'on peut dire ou pas en public. C'est marrant ces règles tacites. On peut critiquer (ça oui, ça passe généralement bien), dire des conneries, dire du rien, mais essayer d'approfondir, ça dérange souvent quelques personnes.
 
Oh la la, c'te prise de tête qu'y nous fait l'aut'!
 
Hop, n'approfondissons pas. Restons dans l'air du temps. Et ainsi va le monde...
 
* * *
 

 

Bon, j'allais me lancer dans quelque chose plus en accord avec mon ton habituel. Ce sera pour une autre fois.
 
____________
 

 

Merde! Ça me fait un drôle d'effet...
 
Cet après-midi. J'ai vu passer mon voisin, dans la cour de sa ferme en contrebas de chez moi. Avec sa blouse bleue, ses bottes et sa casquette vissée sur le crâne, vaquant comme d'habitude à quelque occupation. Même à la retraite, un agriculteur n'arrête jamais de travailler. Enfin... si.
 
A cette distance, parfois on se hélait. En parlant un peu fort, on faisait un brin de causette. Toujours jovial. Il avait un tel coffre que tout le quartier devait en profiter. Mais pas aujourd'hui, parce qu'il ne m'a pas vu. En hiver, on se voit moins souvent et il y a quelques temps que je ne lui avais pas parlé.
 
Je ne lui parlerais plus...
 
Il est mort quelques minutes plus tard. Comme ça, d'un coup.
 
J'étais retourné un peu plus loin, mais j'ai bien entendu la sirène des pompiers, passant sur la petite route, puis plus rien... Je me suis demandé s'il y avait un feu quelque part, ou un accident. Mais je ne voyais rien du fond de mon terrain. Et comme je ne suis pas du genre à aller voir ce genre de choses...
 
C'est toujours con la mort. Sauf maladie, ça vient quand on ne s'y attend pas. Et puis ça frappe au hasard. Et à chaque fois on se dit que ça pourrait bien arriver à nos plus proches. Elle frappe de plus en plus souvent autour de moi, mais jamais trop près. Un jour viendra où elle frappera très près. Je crains le trop près...
 


Ce que j'écrivais il y a un an...

 

 

 

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